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Le blog de Théophile Kouamouo
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5 avril 2007

Les Gbagbo écrivent-ils trop ?

paroles_d_honneur"Eux aussi ! Même si on dit !". A Abidjan, ville bavarde et persifleuse à souhait, certains estiment que la famille présidentielle exagère. Elle écrit trop ! En l'espace de quelques mois, Laurent Gbagbo a réédité sa pièce de théâtre parue pour la première fois en 1979, Soundjata, Lion du Manding. Michel Gbagbo, le premier fils du numéro un ivoirien, a quant à lui publié un essai : Côte d'Ivoire, un air de changement. Ce mercredi, Simone Ehivet Gbagbo dédicaçait, au palais des Congrès de l'Hôtel ivoire un livre-témoignage qui s'arrache comme des petits pains : Paroles d'honneur. C'en est de trop, pour quelques commentateurs de salon. Doit-on réglementer le secteur de l'édition, et condamner les "abus de position dominante" intellectuels ?

Au-delà de la boutade, il serait sain de nous interroger sur le rapport que nous entretenons, en tant qu'individus et en tant que société, avec la chose écrite, la lecture, l'écriture et plus généralement la culture. Il y avait foule à l'hôtel Ivoire pour la dédicace de la Première Dame de Côte d'Ivoire. Plusieurs centaines de livres se sont vendus in situ. La file de ceux qui voulaient une jolie signature sur leur livre était longue comme un jour sans pain. Cela ne signifie pas pour autant que le public ivoirien aime lire, ou que les fans de Simone, patriotes pour la plupart, aiment lire. Chacun était à l'Ivoire pour des raisons qui lui sont propres. Attirance pour le show-biz politique, technique de positionnement (c'est toujours bien de se faire voir au bon endroit), militantisme sincère mais sans aucun tropisme littéraire... Parmi ceux qui se sont fait dédicacer Paroles d'honneur, combien le liront jusqu'à la fin ?

On peut égrener à l'infini les questions qui dérangent. Combien de livres un étudiant ou un enseignant lit-il chaque année ? Combien de présidents africains ne lisent jamais le moindre livre ? Quel est le pourcentage de parents vivant à Cocody, qui achètent des livres non scolaires à leurs enfants et les poussent à les lire jusqu'à la fin au lieu de se vautrer devant des programmes télé bas de gamme ? Si les débats politiques, économiques, sociétaux et scientifiques sont si pauvres dans nos pays, c'est peut-être parce que nos "intellectuels" ne lisent pas, n'écrivent pas et au final ne pensent rien de plus raffiné qu'un petit peuple qui, s'il en avait les moyens, serait sans doute plus attiré par la culture que l'élite.

Il n'est pas question ici de dénigrer la culture populaire, le zouglou, le coupé-décalé, Ma famille. Mais dans les pays qui avancent, il y a un nombre assez élevé de personnes qui ont un capital culturel, comme on disait jadis en Europe que tel ou tel avait "fait ses humanités". Si l'on n'a pas une "classe moyenne intellectuelle" consommatrice de littérature, mais aussi de théâtre, de peinture, d'idées, qui participera au débat ? Qui dénoncera les impostures ? Qui obligera les politiques, par exemple, à élever le niveau ?

Même par opportunisme, nous devrions investir et nous investir dans la culture. Elle est un placement à long terme certes, mais sûr. Elle représente le lieu du pouvoir symbolique, qui finit toujours par investir le pouvoir séculier. L'alternance de 2000 en Côte d'Ivoire s'explique. Dans les années 1990, de quel bord politique étaient les Ivoiriens qui écrivaient, proposaient, argumentaient ? Le refus d'écrire et de publier, donc de réfléchir sérieusement, n'est-il pas une des clés permettant de comprendre le déclin de l'ancien parti unique, dont certains barons se réfugient aujourd'hui dans un ethnofascisme ramant à contre-courant de l'Histoire ?

ilesCeux qui sont au pouvoir aujourd'hui ont, pour certains, un bon bagage culturel. Pourtant, la jeunesse ivoirienne est de plus en plus inculte. Pourquoi ? Une fois de plus, on touche du doigt l'échec patent des "enfants de la décolonisation" : le manque de transmission intergénérationnelle.

J'ai appris que Mamadou Koulibaly, président de l'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire, a acheté des places de théâtre à des centaines d'enfants de Koumassi, sa circonscription. Ils ont pu voir, émerveillés, la pièce Iles de Tempête de Bernard B. Dadié. C'est encourageant mais cela ne saurait remplacer une vraie politique nationale d'éducation littéraire et culturelle.

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Commentaires
P
Je suis immensement fier de la famille presidentielle. Elle est plutot a feliciter qu'a railler!<br /> Si Madame prefere nous livrer ces "paroles d'honneur" au lieu de dilapider nos impots dans les boutiques les plus huppees de Paris, Londres on New York. Ma foi que j'encourage cela!<br /> Au demeurant, Laurent Gbagbo doit vraiment etre le digne heritier de Soundjata pour avoir -quasiment- pu survivre au cyclone francafricain qui s'est abattu sur la Cote D'Ivoire!<br /> C'est d'ailleurs avec impatience que j'attend ses memoires. Je vous assure mes freres cela va faire un tabac!
D
Cher Kouamouo,<br /> Chers Bien-Aimés frères et sœurs Ivoiriens et Africains,<br /> <br /> Ce merveilleux blog me donne l’opportunité d’apporter, indirectement, ma contribution au débat, en faisant cette petite réflexion personnelle sur l’Ecriture et l’Engagement, que je vous remercie de lire.<br /> <br /> Dès les débuts de la crise ivoirienne, en Septembre 2002, je me suis senti, comme beaucoup d’Ivoiriens et comme beaucoup de chrétiens et d’intercesseurs de ce pays, interpellé quant à ma contribution à cette guerre spirituelle (et ce n’est pas autre chose) engagée pour la libération de la Côte d’Ivoire attaquée.<br /> <br /> Mon engagement personnel dans la prière, pour cette cause, a été quasi sacrificiel. Jusqu’à ce jour. Et DIEU seul sait ce que nous avons, ensemble, fait échouer dans ce pays.<br /> Mais à côté de cet engagement spirituel intense, j’ai pu, grâce à la lecture, découvrir avec effroi et horreur, l’ampleur du drame de mon pays et de mon peuple, l’Afrique : Indépendants sans être moins esclaves, gisant sous un joug plusieurs fois centenaire, entretenu par des cercles mystiques et des réseaux mafieux aux contours nébuleux, avec des bras séculiers contemporains.<br /> Alors, des profondeurs de mon impuissance physique et matérielle, face à la négation de notre humanité (comment qualifier autrement le fait de Droits de l’Homme – à géométrie variable – reconnus à tous, sauf à nous, peuples faibles : Prédation économique et politique des nations occidentales, en Afrique et dans le Tiers-monde, génocide rwandais impuni depuis plus d’une décennie quand le coupable est clairement identifié et connu de tous) et face à l’esclavage mental dont font, quelquefois, montre les africains eux-mêmes, j’ai éprouvé le besoin d’exhaler la douleur de ma meurtrissure profonde par des écrits caustiques ou des épithètes au vitriol, sur le Net, contre la puissance néocolonialiste ou néo colonisatrice qu’est la France, et contre tous ses affidés, en Côte d’Ivoire, en Afrique ou ailleurs dans le monde.<br /> Des écrits très engagés dans lesquels ne se sont pas toujours reconnus certains d’entre vous, en tant que Chrétiens comme moi. Je le concède.<br /> <br /> Pour moi, il ne pouvait y avoir d’autre écriture que celle qui est engagée quand son droit à la vie, son droit à la liberté, à l’autodétermination, à la paix, à la joie de vivre, à la prospérité et à la démocratie est nié. Contre toute morale.<br /> <br /> J’ai entendu la responsable d’une régie européenne de communication, lors d’une rencontre de travail en Côte d’Ivoire avec la presse, dire aux journalistes : « Il n’y a pas de journalisme d’information, en Côte d’Ivoire ». J’en ai été choqué et vous comprendrez pourquoi.<br /> Notre EBONY 2006 (que j’apprécie beaucoup), Lanciné FOFANA, y est aussi allé de la sienne, en s’adressant, récemment, à ses confrères : « Les hommes politiques font la politique, laissez-les faire la politique ; quand à vous mes frères journalistes, faites votre boulot ».<br /> Entièrement d’accord avec ces deux personnalités du milieu, à part que ces propos ne peuvent avoir prise que dans un pays libre, réellement indépendant, où tous respectent les règles démocratiques (ce qui est loin d’être le cas, actuellement, en Côte d’Ivoire) et qui a une bonne culture civique.<br /> <br /> Malheureusement, notre pays connaît la plus grave crise de sa jeune histoire, il lutte pour sa survie en tant que nation souveraine qui aspire à l’indépendance et au droit à l’existence, contre un puissant prédateur. Comment pouvons-nous encore nous faire un complexe d’être engagés ?<br /> Le Professeur SERY BAILLY n’écrivait-il pas, avec beaucoup de modestie, dans son magnifique article (merci, Professeur) intitulé « La Tragédie de Toussaint », paru dans le journal Le Courrier d’Abidjan, N° 969 du Mercredi 21 Mars 2007 : « Notre histoire actuelle m’a appris que j’avais tort de penser à la REVOLUTION » (à l’opposé de Bernard DADIE qui prônait la conquête de la démocratie (et d’une indépendance véritable) qu’il avait qualifiée, en son temps, de démocratie bourgeoise, version Dadié, à contrario de la démocratie « nouvelle » de la classe ouvrière à laquelle il adhérait) quand la vie et l’indépendance n’étaient même pas assurées » ? <br /> Il faut, se faisant, maintenant les assurer. Les conquérir.<br /> <br /> Mon avis est donc que les journalistes et les Ivoiriens doivent se décomplexer et s’inscrire résolument dans leur temps et dans le cours de leur histoire, au risque de paraître (à défaut) totalement anachroniques.<br /> C’est en cela que je salue, HAUTEMENT, la floraison de livres écrits, actuellement, sur la crise ivoirienne par les Ivoiriens. Il faut écrire, encore et encore, et de toutes les manières. Pour la vérité et pour la postérité. Car les paroles (aussi belles soient-elles) s’envolent, seuls demeurent les écrits.<br /> <br /> Ce qui est vrai ou valable en France ou en Occident, ne l’est pas forcément en Côte d’Ivoire ou en Afrique. Les impératifs de la presse occidentale et les besoins des peuples occidentaux ne sont pas les nôtres.<br /> Eux, ils sont libres, rassasiés et replets. Nous, nous sommes affamés, squelettiques et encore dans les liens. Pouvons-nous, objectivement, avoir la même écriture ? Pourquoi voulons-nous nous laisser charger la conscience par ceux même qui ne se privent pas de mettre leurs médias (tous genres confondus) au service de la cause nationale néocoloniale et qui s’affranchissent de tout professionnalisme quand il s’agit de l’Afrique ?<br /> <br /> Le Professeur ZADI ZAOUROU avait donné, en 1995, au Ministère de la Culture dont il était alors le titulaire, le slogan : « Vents de crise, culture de combat » (pour coller avec la situation de conjoncture économique que connaissait le pays).<br /> Nous, nous disons : « Vents de recolonisation, écriture de combat ». Comme au bon vieux temps du RDA..<br /> Le Président GBAGBO ne disait-il pas qu’il avait repris la lutte là où le Président HOUPHOUET l’avait laissée ? Vraisemblablement, nous ne sommes pas encore, au titre de nos libertés et en considération de tous les droits qui nous restent encore à conquérir, sortis des années 40. A l’image même de Jacques CHIRAC, « l’Africain », à qui nous devons d’avoir un pays (artificiellement) coupé en deux.<br /> Alors, Ivoiriens, ne nous trompons pas de combat, allons résolument à la paix et gardons un œil ouvert sur la France. La crise n’est pas finie. Il faut rester prudent et concentré malgré toutes les apparences nationales et internationales. Ne nous laissons pas servir du trompe-l’œil.<br /> <br /> A cœur vaillant rien n’étant impossible, Haut les…plumes, peuple ivoirien, pour ta liberté !<br /> <br /> Que DIEU vous bénisse tous, richement !<br /> Dindé Fernand. dindefernand@yahoo.fr
R
"Même par opportunisme, nous devrions investir et nous investir dans la culture. Elle est un placement à long terme certes, mais sûr."<br /> J'aime beaucoup cette phrase. Le drame en afrique ce n'est pas que nous sommes pauvre, non. A mon avis c'est que nous sommes tout le temps entrain de recommencer. Pourquoi? parce qu'on ne connait pas notre passé. De plus sous le pretexte que nous sommes dans une culture oral nous ne laissons souvent rien à nos enfants.<br /> Je veux dire que notre système scolaire, que dis je le système scolaire que les colons nous ont ensigné ne nous oblige pas à écrire et par conséquent à lire....<br /> On s'en fou que les Gbagbo seul écrivent. Ils donnent leurs versions de l'histoire qui va certainement éclairé ceux qui viendront demain car c'est "un placement à long terme..."<br /> Ton article Théo pause un probleme de fond celui de la lecture et de l'écriture ou alors de la culture par l'écriture.<br /> Une chose est certaine les africain ont besoin de se mettre au pas.<br /> Si c'est la famille de je ne sais quel homme politique de l'occident qui écrit personne de va jazzer au contraire on sera curieu de savoir ce qu'il dit.<br /> Afrique mon afrique reveille toi et prends ta plume afin d'écrire toi même ton histoire.<br /> Si ton voisin ballet ta cour c'est suspect!!!
E
Il est bon de voir que vous touchez à ce thème tellement sensible et tellement important, M. Kouamouo. <br /> Anecdote: une fois que je me balladais sur le campus de l'Université de Cocody, cherchant en vain à rencontrer quelque professeur qui veuille bien discuter les idées que je voulais développer dans mon travail de mémoire de Master's, je me heurtai à une caste de mandarins qui exigeait de moi que j'exhibe une lettre de mon université d'origine (située en Suisse) justifiant de ma requête. Sous d'autres cieux, on est heureux de recevoir les jeunes chercheurs spontanément, sans que l'on exige d'eux qu'ils exhibent un passe-droit de quelque sorte...Bien entendu, je ne vis personne de ceux que j'avais exprimé le désir de rencontrer, parce que le directeur de la faculté des sciences humaines a tout bonnement refusé de me fournir les contacts de ces messieurs. J'exposai alors mon cas à un autre professeur qui eut une oreille attentive à mon affaire. Après m'avoir écouté, il me dit ceci: "ces gens-là, mes collègues, ne sont pas des intellectuels. Ce sont des lettrés guindés..."<br /> Parce qu'ils/elles ne sont pas cultivé(e)s, mais qu'ils/elles sont censé(e)s l'être, beaucoup de nos universitaires se perdent dans un pédantisme creux qu'ils espèrent faire passer pour de la culture, pour du raffinement. Ils/Elles ont un attachement viscéral à leurs titres et diplômes, et cet attachement en dit long sur la société au sein de laquelle ils/elles évoluent... La notion d'intellectuel public (public intellectual), que j'emprunte ici aux Anglo-Saxons, n'existe pas vraiment en Côte d'Ivoire. Le récent foisonnement de textes auquel nous assistons est peut-être l'acte de naissance de cette catégorie d'empêcheurs de tourner en rond, force essentielle dans toute société qui se veut démocratique.
O
Il fallait en parler.Le mal est d'une telle profondeur que nous sommes tentés de suspecter nos décideurs de planifier un "génocide" culturel! Nos hommes et femmes politiques font preuve d'une tolérance coupable face à l'inculture ambiante des nouvelles générations.Sinon, comment comprendre que les lycées et collèges ne disposent d'aucune infrastructure culturelle? Pourtant,les "maquis" et autres bars climatisés jouxtent ces lieux dits du savoir. Aucune municipalité ne fait de la création et de l'animation de centres de documentation et de bibliothèques un souci,encore moins une priorité. Et cette politique d'inculture est entretenue par un manque de promotion du livre.Les différents ministres, qui se succèdent au département de la culture,n'ont d'yeux que pour les arts de spectacle.Y a-t-il un salon du livre? La communication qui l'accompagne,laisse à désirer.<br /> Cependant,il n'y a pas à baisser les plumes. Il appartient aux journalistes d'en faire un débat,comme vous le faites si bien à propos. La presse,qui fait toutes sortes d'opinions peut créer les conditions d'un sursaut culturel.Il y va de l'avenir de l'Afrique!
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