La France, laboratoire du «choc des civilisations»

11 avril 2007

La France, laboratoire du «choc des civilisations»

C'était le week-end dernier sur I-Télévision, la chaîne d'information continue du groupe Canal +.Bernard Henri Lévy, intellectuel médiatique français en général pompeux et agaçant, pleurnichait avec talent dans une émission de débat. Il se navrait de la "lepénisation des esprits" (expression chère à l'avocat des grandes causes, Robert Badinter) dont témoignait la surenchère nationaliste dégoulinant de partout, à gauche comme à droite, à l'occassion de la campagne électorale en cours.

De Ségolène Royal engageant tous les Français à exhiber leur drapeau tricolore et commençant ses meetings par "la Marseillaise" à Nicolas Sarkozy annonçant la création d'un ministère de "l'immigration et de l'identité nationale", pour bien montrer que l'une menace l'autre, la classe politique "modérée" court après un électorat d'extrême droite agité par des préoccupations d'ordre identitaire, inquiet de la modification des équilibres démographiques, qui indique plus jamais l'expansion de communautés qu'on regrouperait aux Etats-Unis sous l'appellation de "coloured people".

Le_choc_des_civilisations Assurément, la France se "droitise". Mais est-elle la seule ? La thèse de l'Américain Samuel Huntington, auteur du très célèbre livre "Le choc des civilisations", se vérifie. Il prédisait, à la fin de la guerre froide, le passage d'un monde caractérisé par des clivages idéologiques (entre communisme et capitalisme), à un monde marqué par la résurgence des sentiments identitaires, comme le montre le développement de l'islamisme radical ces dernières années. Très critiqué, Huntington avait peut-être raison, même si les différentes "grandes civilisations" dont il parlait peuvent être considérées comme trop larges ou discutables.

La mondialisation est une ennemie des Etats-nations. Avec l'Internet et les nouveaux moyens de communication, les citoyens des pays du Sud, les anciens immigrés qui se pliaient par le passé à la loi d'airain de leurs pays d'accueil, peuvent rester connectés à leur culture d'origine, à un terroir devenant plus symbolique que réel, aux différentes causes de leurs "parents". Les nations sont déterritorialisées. Elles sont dans la tête de leurs citoyens. Le musulman engagé de Sarcelles est relié à son "univers" par la télévision satellitaire. La souffrance de ses "frères" en islam du monde arabe ou d'Iran sont les siennes. Le Français d'origine africaine vivant en France, bien intégré à la société française, est solidaire de l'immigré sans-papiers qui débarque en Europe par une embarcation de fortune. Les Européens anciennement de gauche, qui aimaient leurs "frères en lutte" du Tiers-Monde tant qu'ils n'envahissaient pas leurs pays et ne se livraient pas à une critique radicale de l'Occident, mais dénonçaient avec eux le "capitalisme", sont déboussolés. La démographie et la démocratie s'unissent pour faire des Noirs et des Arabes, anciens sujets de l'Empire, de nouveaux prescripteurs d'opinion qui ont en plus le défaut d'importer leur pauvreté dans le monde riche...

Jusqu'où ira la contradiction ? Pour lutter contre une immigration qui, à terme, peut modifier le cours de l'Histoire et les rapports de force mondiaux au détriment de l'Européen blanc, certains plaident pour la création des conditions qui permettront le développement des pays d'origine des "nouveaux gueux" venant à l'assaut de la forteresse Europe. Mais si les termes de l'échange se modifient en faveur d'une Afrique vendant mieux ses matières premières, fabriquant peu à peu ses produits manufacturés, formant une élite efficace dans le domaine des services pouvant accélérer le mouvement des délocalisations, qui en paiera le prix ? L'Europe !

Nous vivons, de manière pas encore très perceptible, un gigantesque bouleversement mondial. La vieille Europe, qui a colonisé le monde et accouché de la révolution industrielle sans avoir de grandes richesses naturelles, reçoit en plein visage à la fois l'immigration venue des pays pauvres et la concurrence économique des pays pauvres - les terres d'émigration n'étant pas toujours les terres d'où viennent la concurrence. Du coup, altermondialistes d'extrême-gauche et néofascites d'extrême-droite sont d'accord sur un point, et réussissent à "convertir" la gauche et la droite de gouvernement : il faut arrêter le cours désanvantageux de l'Histoire en se barricadant dans un Etat-nation hostile au plombier polonais, à l'étudiant-aventurier camerounais, à l'Europe de Bruxelles, au textile chinois ou au Mc Do américain. Le nouvel ultranationalisme français vient de là. Une peur du déclin qui touche en priorité les nations qui ont été hier mais ne sont pas sûres d'être demain.

Posté par kouamouo à 01:15 - Commentaires […] - Permalien [#]

Partager cet article

Vous aimez ?

0 vote

Gouvernement Soro I : un immobilisme pré-électoral

La fuite des cerveaux est-elle un faux problème ?

Commentaires

Jahallahmz

24/04/2007 12:57

Je voulais tout simlement avant de participer a cette discussion, dire merci a Kouamouo pour ce qu'il est et pour ce qu'il fait pour tous les jeunes africains dignes fiers et pleins d'espoir pour l'avenir de notre Afrique parceque ce que ces gens vendus ou pas, manipules ou pas, corrompus ou pas decident aujourdhui est pour notre demain. C'est pourquoi je remercie Kouamouo parceque nous jeunes africains avons besoin de changer de mentalite pour que l'Afrique reprenne son chemin la ou la colonisation l'a laisse. Sachez qu'il y'a un mouvement naturel dans la vie des hommes, des pays et des continents. Le temps est venu pour que tous ces fils de l'afrique qui ont immigre, voyage et appris de prendre conscience de la responsabilite qui nous attend si nous devons faire le debat des idees, si nous devons eradiquer la corruption, si nous devons etre solidaires quand il s'agit de la nation. Je suis ivoirien vivant aux USA, je lis tout ce que Kouamouo ecrit parceque je pense qu'en lui je trouve un vrai journaliste pour son engagement et son objectivite. Et ceci compare a ces collegues de la cote d'ivoire qui ont mis de cote la nature noble et engage du metier et perverti ses ideaux qui ont le sait sont de nature a elever et eduquer le peuple. Je trouve que Kouamouo le fait, c'est pourquoi avant de rentrer dans e vif du sujet dans ma prochaine intervention, je tenais a dire merci et encourager un jeune africain debarasse du complexe du blanc. Mais ceci on y reviendra. peace to every one and dont give up loving and dreaming for Africa.

Doum

16/04/2007 02:01

Cher Levis je ne pense pas que les institutions intrenationales sont fiables. La crise en cote d'ivoire nous a demontre comment l'onu s'est humiliee dans notre pays. Curieusement, ce sont les memes organisations internationales qui font des stastiques sur l'afrique avec la totalite des travailleurs qui sont des blancs. Les quelques africains qui y ont travaille ,ont prouve leur limite en matiere de gestion (alasane dramane en cote d'ivoire, soglo au benin etc...). Si l'afrique est aussi pauvre comme l'indique ces institutions, pourquoi l'occident instaure et supporte des regimes en afrique a cause de nos resources????

Levy

13/04/2007 13:17

Salut, Je crois que lors des campagnes présidentielles, bien de candidats disent ce qu'ils ne pensent pas ou alors ne pensent pas ce qu'is disent. Il st possible que tous ces discours ne soient que de simples stratégies de quête d'intentions de vote. Ou alors simpement une volonté plitique réelle qui aura, à n'zn point douter, des conséquences désastreuses sur les économies de plusieurs Etats africains dont le Mali, le Sénégal... Que faire en pareille circonstance? L'Afrique ne pèse que 1,5 % en termes de commerce inter, la dette du continent vaut 240 milliairds de dollars sans oublier que selon des experts du FMI, l'Afrique ne parviendra à réaliser les OMD autour de l'an 2147! A vrai dire, une culture du travail s'impose. A ce titre, Théo, je suggère un article sur la culture du travail!!!

fernand koblan

11/04/2007 12:35

je ne suis pas un erudit de l'histoire; cependant je peux affirmer que le choc n'a pas encore eu lieu.il suiffit de faire une comparaison rationnelle entre les pays occidentaux et le tiers monde; un net constat s'impose.les occidentaux par le biais de l'esclavage, de l'exploration puis de la conolisation ont réussi à spolier l'afrique, l'amérique latine et une partie de l'asie de la quasi totalité de son trésor et de ses bras valides.l'on nous parle de plus de 20 millions de noirs africains vendus sur le marché de l'esclavage. pourtant l'amérique du nord considéré comme continent vierge était habitée par les indiens.les occidentaux dans leur quête de confort et de richesse ont réussi à déposseder les indiens de leur territoire.ils ont reduit ces indiens en esclavage et les ont exterminé avant de s'attaquer au continent africain à la recherche d'hommes et femmes valides et courageux.les 20 millions d'africains vendus ont donné naissance à des enfants; lesquels enfants se sont mariés à des occidentaux pour donner naissance à leur tour à des enfants. aujourd'hui, nous assistons à une percée des afro-américains dans le monde du show biz, de la politique, de l'économie et de la science en somme à un repositionnement du black dans le concert des decideurs du globe.ici en afrique, il y a une nouvelle génération d'africains qui emerge et qui revendique un traitement d'égal à égal avec le français, l'américain , l'allemand ou l'anglais.cette génération s'est departie de son complexe de noir et de pauvre.une véritable prise de conscience du peuple noir à commencer par s'imposer sur tout le globe terrestre. conscient de cette réalité et des conséquences incommensurables ; les occidentaux ont peur de perdre leur leadership au plan mondial, ils décrient l'immigration. pourtant cette même immigration avait servit de fonds de commerce aux occidentaux pour construire l'occident, se faire des fortunes et dominer le monde. que represente l'esclavage pour les occidentaux si ce n'est une immigration forcée et commerciale!ils ont pillé nos trésors , soutenu des dictatures sous nos tropiques, contribué à assassiner des cerveaux éclairés au profit de leurs intérêts perfides.si aujourd'hui des universitaires abandonnent les universités africaines ou latino-americaines pour celles de l'occident quoi de plus arlamant si des jeunes africains, latino-americains diplômés ou pas decident d'envahir l'occident en quête du mieux être! par le passé la main d'oeuvre africaine revenait quatre fois moins coûteuse que la main d'oeuvre occidentale à cette époque les travailleurs africains ne representaient pas des immigrés.aujourd'hui que la descendence de ces immigrés qui formée dans les mêmes universités et grandes commerciales que celle des occidentaux commence à mener une concurrence atroce à celle-ci; nait instatannement des immigrés encombrants et l'on parle d'immigration non maîtrisée.l'idée du nationalisme s'impose à toute la classe occidentale.eh bien oui, mais les enfants des esclaves et autres travailleurs qui ont pour seul terroir celui de l'occident ne peuvent que reclamer leur appartenance à l'occident.attendons dans dix à quinze ans , nous aurons une nouvelle configuration de la population occidentale et une nouvelle classe politique dirigeante avec des blacks au perchoir des états occidentaux.

ogotemmêli

11/04/2007 08:41

Notons que rapporté à leur population totale, les Européens sont les immigrés les plus nombreux au monde ; avec un courant migratoire initié depuis 500 ans, mais qui délivré ses plus grosses vagues de la fin du XIXè siècle jusqu'à l'après 2ème Guerre Mondiale : au Brésil, Argentine, Australie, EUA, Nouvelle Zélande, Afrique du Sud, etc. Même Fidel Castro est le fils d'immigrés galiciens, modestes paysans et articans espagnols, qui ont pris d'assaut Cuba à plus 500 000 personnes dans les années 1950... Donc, les Occidentaux sont à l'origine anthropologique et évidemment économique des phénomènes migratoires contemporains : en ayant confisqué les terres de nombreux peuples non-Européens, qu'ils ont nombreusement occupées ; en ayant spolié les ressources humaines et naturelles de plusieurs régions du monde ; en ayant imposé des dictateurs incapables à certains pays, notamment , africains depuis tant de décennies. Etc. De ce point de vue, "le choc des civilisations" est une fumisterie : Saddam Hussein était une créature occidentale, tout comme Bin Laden, Mobutu, Abyarimana, etc. En revanche, la renaissance de certains pôles civilisationnels (Chine, Inde, Iran, voire Pakistan) est abusivement conçue par les Occidentaux comme une "menace", parce qu'ils ne veulent penser les relations humaines qu'en termes de compétition, concurrence, "guerre économique", et désormais "choc des civilisations". Cette perspective occidentalocentrée n'est ni inéluctable, ni encore moins féconde : je préfère la laisser à ses auteurs. Aujourd'hui, nous autres ne recherchons pas à mettre l'Europe à genoux, ni à exterminer les autochtones européens ; mais plutôt à établir des relations "win win", de respect mutuel, d'échanges équitables. Ils ne peuvent continuer d'être si avides et dépendants de nos ressources naturelles, et considérer avec autant de mépris l'immigration africaine. Bientôt l'on sera en mesure d'exiger une libre circulation totale des êtres humains sur toute la planète ; comme eux nous ont estorqué la libre circulation des capitaux, biens et services, tant que cela les arrangeait. En effet, les populations les plus nombreuses ont crucialement intérêt à cette libre circulation des personnes, tandis que les nations les plus pauvres en matières premières ont tout aussi crucialement intérêt au libre-commerce de ces matières : donc, donnant donnant ; sinon chacun garde ses billes et nous restons chez nous avec nos matières premières, dont l'exploitation nous n'avons pas nécessairement besoin d'Européens... Il reste seulement que de futures générations d'hommes politiques africains, et plus généralement non-occidentaux, imposent ces vues dans le débat international : les xénophobes occidentaux invétérés d'aujourd'hui trouveraient très rapidement des raisons de devenir xénophiles convaincus, en comptant le nombre de centaines de milliers d'emplois que l'Europe perdrait si ses entreprises étaient évincées des marchés de l'exploitation des ressources naturelles africaines...