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Le blog de Théophile Kouamouo
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16 avril 2007

Un avenir pour l'Afrique de l'Ouest

Nous ne parlerons pas aujourd'hui de deux sujets qui pourtant semblent d'une importance majeure pour la Côte d'Ivoire et l'Afrique. Le premier, c'est l'accélération, visible par tous, du processus de paix avec l'installation effective du gouvernement dirigé par Guillaume Soro et le début du démantèlement de la zone de confiance, par le président Laurent Gbagbo himself. Le deuxième, c'est la dernière ligne droite de la campagne en vue de la présidentielle française, dont le premier tour se déroulera le week-end prochain. Nous avons choisi d'évoquer le monde qui vient au lieu de nous contenter d'analyser la grande transition dans laquelle nous sommes immergés et qui nous a souvent obligés à avoir le nez dans le guidon au lieu de regarder l'horizon.

Expliquons-nous. Lorsque nous parlons de ''transition'', nous ne parlons pas des différentes formules de gouvernance enregistrées depuis le coup d'Etat du 24 décembre 1999 en Côte d'Ivoire. Nous évoquons une transition bien plus large, qui a commencé il ya bien plus longtemps, et qui concerne, sinon tout le continent africain, du moins tout l'Afrique de l'Ouest francophone. Cette transition a commencé pour certains pays à la fin des années 1970, et pour d'autres au début des années 1980. C'est donc une transition qui dure, qui dure trop. Peut-être arriverons-nous à la ranger dans le placard des souvenirs désagréables si, au lieu de commenter avec fascination les différentes mutations du véritable virus qu'elle constitue, nous entreprenons d'abord de la définir.

De quel monde venons-nous ? Vers quel monde allons-nous ? Nous venons d'un univers caractérisé par la guerre froide et son corollaire, le pacte colonial, à un accouché d'un ''nouveau désordre mondial'' durement ressenti en Afrique. Pendant la période de la guerre froide, la France ''administrait'' une partie de l'Afrique pour le monde qui se disait libre. Profitant d'une large manoeuvre incroyable, elle liait les Etats de son pré carré par toutes sortes d'accords et y installait un étatisme délirant destiné à concentrer toute capacité d'initiative entre les mains de ses multinationales publiques et privées, et de dictateurs se comportant en sous-préfets protégés par le parti unique et les troupes françaises. L'objectif était d'écarter de la création de richesses à la fois les populations locales et les possibles concurrents internationaux, y compris le grand allié américain.

Aujourd'hui, la guerre froide est finie. Par nostalgie, l'ancien colonisateur refuse de tirer les conséquences de cette donne. Il n'a plus les moyens de la puissance et se débat dans des gestes désordonnés et souvent irrationnels pour se convaincre qu'il est toujours "très très très fort". Par paresse et par peur, notre élite locale postcoloniale le suit dans sa folie suicidaire.

Un jour, on reconnaîtra aux intellectuels issus du FPI et de la gauche ivoirienne d'avoir, très tôt et brillamment, expliqué les ressorts de la transition qui nous fait souffrir et plaidé en faveur d'une "refondation". Ce n'est pas parce que le mot a été connoté négativement en raison des comportements, réels et scandaleux, des nouveaux riches de l'ère Gbagbo que le concept n'est pas pertinent. Lors de la campagne électorale en vue de la présidentielle d'octobre 2000, Laurent Gbagbo et ses lieutenants ont évoqué trois grands sujets "iconoclastes" qui ont irrité les partisans du statu quo : la question du départ des troupes françaises stationnées au 43è BIMA, donc de la dénonciation de l'accord de défense ; celle de l'Assurance maladie universelle ; celle de la réforme du franc CFA.

Ces idées ont fait leur chemin et sont reprises aujourd'hui par les intellectuels et les hommes politiques français. Jacques Chirac a plaidé, dans un de ses derniers discours destinés à l'international, en faveur de la nécessaire création de systèmes nationaux de couverture-maladie dans les pays pauvres. Hubert Védrine, ancien chef de la diplomatie hexagonale (socialiste), a quant à lui proposé la mise en place, en France, d'une commission de haut niveau chargée de discuter avec les leaders africains, au pouvoir comme dans l'opposition, de la réforme de la coopération franco-africaine. Les deux premiers thèmes qu'il met à l'ordre du jour, c'est le rapport franc CFA-euro et la question des bases militaires.

Ceci dit, l'intellectuel français qui a le plus pointé les vraies racines de la crise dans laquelle nous pataugeons s'appelle Serge Michailof. Ancien de la Banque mondiale et professeur à Sciences-Po, il a refusé le prêt-à-penser de la crise née de l'ivoirité, de la xénophobie et de la rupture avec l'houphouétisme pour aller plus en profondeur et accuser la parité fixe entre le franc CFA et l'euro d'avoir contribué à la crise ivoirienne. Interrogé par Jeune Afrique (numéro 2411 du 25 au 31 mars 2007), il s'explique : "Lorsqu'un pays entre dans une crise économique grace comme ce fut le cas de la Côte d'Ivoire dès 1978 et ne parvient pas à s'en sortir pendant quinze ans, il est logique que cela explose. L'ampleur des facteurs ayant déterminé la crise actuelle est colossale et nous n'en prenons pas toujours conscience. Le premier est démographique. La population ivoirienne a été multipliée par cinq depuis l'indépendance. Si on transpose à la France, cela donne une population de près de 300 millions d'habitants, dont 100 millions d'immigrés au statut indéfini. Vous imaginez le problème ? Si l'on ajoute la baisse constante du revenu par habitant de 1978 à 1994 qui a laminé les classes moyennes et fait tripler le taux de pauvreté, vous avez tous les ingrédients du désastre. Or cette situation aurait pu être évitée en touchant au franc CFA dès 1984 de manière à relancer l'économie. Le fait d'avoir attendu dix ans a été catastrophique". Comme Mamadou Koulibaly et les économistes du FPI, Serge Michailof est favorable au franc CFA flottant. "Le franc CFA est in fine géré à Francfort en fonction de critères n'ayant aucun rapport avec les préoccupations des économies africaines. Plusieurs mesures sont possibles. L'une d'entre elles serait de raccrocher le franc CFA à un panier de monnaies comprenant non seulement l'euro, mais aussi le dollar, le yuan, permettant ainsi des ajustements périodique indolores. (...) Le décrochage du dollar par rapport à l'euro plombe une entreprise comme Airbus et ne plomberait pas le coton africain ? Ce n'est pas sérieux."

La crise de transition que subit la Côte d'Ivoire est globale. Pays le moins défavorisé de l'UEMOA, la Côte d'Ivoire gère une immigration économique due à cette crise de transition. Le noeud du problème de toute l'UEMOA se trouve en Côte d'Ivoire, les clés de la solution aussi. Pour que la zone se réforme efficacement, notamment au point de vue monétaire, il faut que le pays-leader assume son leadership, notamment au niveau institutionnel. La Côte d'Ivoire doit prendre en main la BCEAO, à travers le gouvernorat, et engager le nécessaire toilettage. Et ce ne serait que justice que le futur premier banquier central soit issu de l'école de pensée qui a, la première, plaidé pour que les choses changent.

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Commentaires
L
Salut,<br /> Je crois que cette analyse est d'une importance capitale pour la problématique de la reconstruction de la CI. <br /> Nous n'avons tout de même pas été tués en vain par les soldats français! A défaut de faire sanctionner les auteurs de tous ces meutres d'un point de vue juridique, il faut au moins sortir de cette crise avec des retombées palpables. Sinon, à quoi auront servi ces années de crises? A fabriquer simplement des nouveaux riches?<br /> Théo, toutes ces réformes ou alors cette révolution se pose sous un triple angle:<br /> -au niveau politique<br /> -au niveu économique<br /> -au niveau des compétences.<br /> Je crois que d'ici peu, nous devrions pouvoir offrir une tribune afin de permettre aux spécialistes de nous entretenir sur cette question. <br /> D'ici là, discutons en...entre nous!
O
Le sujet du jour est vaste car il s'agit du passage de l'indépendance politique octroyée à l'indépendance totale(indépendance politique+ indépendance économique).Il s'agit de mettre un terme au pacte colonial qui fait des ex-colonies françaises d'Afrique la vache à lait, le précarré de la France.La réussite de cette transition exige beaucoup d'efforts, un changement profond de mentalité de notre part:<br /> (1)-Il faut que les dirigeants africains cessent de se comporter comme des préfets dont l'autorité hiérarchique serait le locataire de l'Elysée.<br /> (2)-Il faut que chaque état ait une politique de développement digne de ce nom c'est-à-dire la prise en compte des problèmes liés au bien-être de ses populations ce qui aura pour conséquence la fin de l'exode sauvage vers la Côte d'Ivoire,pour ce qui est des populations des pays voisins.<br /> (3)-Il faut une politique monétaire mettant fin à la min mise de la France(en finir avec le franc cfa).<br /> (4)-Au plan industriel, la transformation de nos matières sur place source de réduction sensible du taux du chômage s'impose.<br /> Il s'agit à l'évidence d'un véritable processus révolutionnaire dont l'issue heureuse propulsera notre continent sur le chemin du développement...
A
J'ai lu avec intérêt votre édito de ce jour. Je constate, une fois de plus , la pertinence de vos analyses. Bravo le frère!<br /> Cela dit, j'ai des doutes sur l'intégration dans notre espace ouest africain en particulier, et en Afrique en général.<br /> Regardons, objectivement, les conditions ayant présidé au processus d'intégration dans les autres régions du monde. Il faut en effet 1°) des économies en expansion: ce n'est pas le cas chez nous. 2°)une volonté politique forte: ce n'est pas le cas chez nous, ou les incantations tiennent lieu d'actes. A titre d'exemple, depuis plus de 6 mois, les produits manufacturés ivoiriens ne peuvent entrer au Mali au mépris des textes communautaires. Il faut de l'argent à l'Etat malien pour les élections donc, il faut payer la douane, contrairement aux prescriptions des textes de l'UEMOA. Autre exemple, le Sénégal taxe plus fortement les huiles venant de Côte d'Ivoire que celles venant d'Asie. On peut multiplier les exemples!!<br /> 3°)des valeurs fortes dans lesquelles l'on croit. Par exemple, il faut être une démocratie pour entrer dans l'UE. Quelles valeurs unissent Compaoré à Gbagbo? Wade à Gbagbo? Le Togo au Ghana?<br /> Il nous faut trouver une voie, sui generis, loin de ce qui a marché ailleurs, et qui soit le fruit de notre propre génie. Je n'ai pas la solution mais il n'y a pas lieu de fixer des limites à l'esprit de l'homme africain. Nous trouverons notre voie si une introspection réelle a lieu.<br /> Par ailleurs, j'ai lu votre préface, ce week end, de l'essai de DJEREKE, et commencé à lire l'ouvrage. Plus que tout, avant tout, il nous faut trouver les chemins d'une société débarassée de la corruption. J'ai été fonctionnaire des douanes ivoiriennes durant 10 ans. J'observe ses résultats actuels, sans assistance technique, sans expert étranger. Là est le chemin. Dans l'appropriation de la modernité pour notre salut.Pour cela, il a fallu un appel à candidatures, ce que ni la France, ni les Etats-Unis, ni la Chine, ne font pour choisir leurs hauts fonctionnaires.Il existe des solutions à nos problèmes, si nous voulons vraiment les résoudre. A bientôt.Merci encore pour vos analyses.
A
La capacité a émettre sa propre monnaie est en effet la première chose à faire pour aquérir une véritable souveraineté.
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