Franc CFA : les Banques centrales dans la tourmente
Que se passe-t-il donc dans la zone CFA ? A Dakar et à Yaoundé, c’est le tumulte. Conjurations, messes basses, inquiétudes, menaces… Visiblement, l’expression des ambitions et des nationalismes remue des banques centrales qui ont longtemps symbolisé la placidité et la froideur face à toutes les secousses socio-politiques de l’Afrique francophone. A l’Ouest, le ton monte. Profitant de la crise ivoirienne et de la dégradation des relations entre Abidjan et Paris, certains pays se disent que leur heure a sonné. Ils veulent remettre en cause la règle non écrite selon laquelle la Côte d’Ivoire dispose du poste de gouverneur tandis que le Sénégal abrite le siège de la Banque centrale de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Au Centre, la Guinée Equatoriale, nouvelle puissance pétrolière, veut remettre en cause la distribution des postes au sein de la Banque, sous fond de mécontentement financier – le pays d’Obiang Nguema estime que la BEAC rémunère mal les avoirs des pays membres. Ces contradictions sont normales. Les institutions sont des corps vivants et leur forme doit évoluer en cas de besoin. Mais les institutions financières doivent obéir à des considérations financières. La Côte d’Ivoire a connu des secousses assez fortes, mais ces secousses n’ont pas remis en cause l’hégémonie économique de la Côte d’Ivoire dans la région. Il n’y a donc pas de raison que les choses changent à la BCEAO. «C’est celui qui a le plus d’argent dans une banque qui la dirige. Le poste de gouverneur de la BCEAO revient naturellement à la Côte d’Ivoire. Si les autres chefs d’Etat veulent s’opposer à cette évidence, je me retire de la zone monétaire pour créer ma monnaie. Je ne négocie rien», aurait confié, selon Jeune Afrique, le président ivoirien Laurent Gbagbo. Obiang Nguema, quant à lui, fait remarquer que son pays, hier défavorisé et raillé, détient 47% des avoirs de la BEAC et réclame des réformes, notamment l’élection du gouverneur de la BEAC pour sept ans non renouvelables. Il a obtenu la mise à l’écart de l’indéracinable Gabonais Jean-Félix Mamalepot, jusqu’alors gouverneur, mais aucun successeur n’a été désigné. Le poker menteur se poursuit. Les pays africains seraient bien inspirés de considérer avant tout les rapports de forces économiques pour trancher leurs différends autour de la gestion des Banques centrales. Le franc CFA peut-il se passer d’une Côte d’Ivoire leader sur les plans financier, agricole, énergétique et industriel ; ou d’une Guinée équatoriale enrichie par le boom pétrolier ? Il faut rendre à César ce qui est à César.