Les leçons d’une résolution
Une fois n’est pas coutume. La diplomatie ivoirienne affiche une franche satisfaction après le vote de la résolution 1765 du Conseil de sécurité de l’ONU. Le texte de «la 1765» est volontiers décrit, d’ores et déjà, comme la manifestation de la «normalisation des relations avec les Nations unies». En effet, le contexte dans lequel la nouvelle résolution onusienne a été préparée, rédigée et adoptée est radicalement différent de l’ambiance qui a entouré le vote des précédents textes du Conseil de sécurité sur la Côte d’Ivoire.
Avant toute chose, deux missions sont venues à Abidjan demander au président de la République et au gouvernement quel rôle l’ONU pouvait jouer avec la nouvelle donne symbolisée par l’accord de Ouagadougou. Gbagbo et Soro, selon des interlocuteurs de premier plan, ont tous les deux eu le même discours devant les émissaires de l’institution dirigée aujourd’hui par Ban Ki Moon : «Aidez-nous, mais ne vous substituez pas à nous».
Le message est passé. Les membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont décidé «d’accompagner» l’accord de Ouaga, et non plus de réinventer la roue comme cela s’est vu après le sommet de l’Union africaine d’Addis-Abeba en 2006 – la France avait fait assaut de nouvelles trouvailles pour imposer une 1721 qui n’a jamais fonctionné. Mieux : les diplomates ivoiriens ainsi que Vincent Zakané, le «juriste maison» de Blaise Compaoré ont été en permanence consultés par les membres du Conseil de sécurité, qu’ils soient non permanents comme l’Afrique du Sud et le Ghana ou permanents comme la Chine et la France. Jean-Marc de La Sablière, qui promenait habituellement son hostilité anti-ivoirienne dans les couloirs de la Maison de Verre a filé le «grand amour» avec les représentants de la Côte d’Ivoire. Alpha Oumar Konaré, président de la Commission de l’Union africaine, a mis un point d’honneur à recevoir Alcide Djédjé, ambassadeur de la Côte d’Ivoire aux Nations unies, lors d’une visite à New York, et à s’informer sur le regard d’Abidjan au sujet de la nouvelle résolution onusienne.
Bien entendu, il ne faut pas avoir fait de hautes études en relations internationales pour comprendre que le tandem Bédié-Ouattara essuie une grosse défaite diplomatique avec la suppression du poste de Haut représentant des Nations unies pour les élections (HRE). Abidjan a fait valoir, lors des réunions de préparation de la résolution 1765, que le poste qu’occupait Gérard Stoudmann était une «anomalie». En effet, jamais dans l’Histoire récente des processus de paix en Afrique, ce poste n’a existé – même pas dans le cas de la République démocratique du Congo, qui vivait son premier vrai processus électoral depuis les indépendances. Par ailleurs, il y avait manifestement doublon entre la division électorale de l’ONUCI et le HRE. Pis, il y avait un abandon de souveraineté de la part de la Côte d’Ivoire, dès lors que Stoudmann était érigé en «super-juge électoral». Désormais, il revient à Abou Moussa de certifier les différentes étapes d’un processus durant lequel l’ONU sera consultée. Mais il n’y aura plus d’arbitrage.
Par ailleurs, l’ONU consacre la mort du Groupe de travail international (GTI). La communauté internationale sera représentée par un organe «consultatif», qui aura rang d’observateur, qui n’assistera pas à l’intégralité des réunions du Comité d’évaluation et d’accompagnement (CEA) et qui ne rédigera pas, bien entendu, les oukases provocateurs qui avaient rendu célèbre l’organe qui avait fait connaître – y compris en France – la ministre Brigitte Girardin. La guerre de tranchées diplomatique entre Paris et Abidjan semble être terminée. Il reste à espérer que la «guerre secrète», dont certains signes montrent qu’elle continue, s’arrêtera elle aussi.