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Le blog de Théophile Kouamouo
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23 juillet 2007

"Fin-de-la guerre" cha cha ?

gbagbo_soroDans exactement une semaine, la fin de la guerre qui a commencé le 19 septembre 2002 sera célébrée à Bouaké, en présence du président Laurent Gbagbo et de plusieurs autres chefs d’Etat africains, espère-t-on. La semaine qui vient de s’achever nous a fourni un indice fort de l’épuisement de la dynamique de belligérance en Côte d’Ivoire avec le vote de la résolution 1765 de l’ONU, qui consacre la normalisation des relations entre Abidjan et la Maison de Verre. Par ailleurs, la Conférence des bailleurs de fonds a eu lieu mercredi, et les promesses en vue du financement du programme de sortie de crise du gouvernement dirigé par Guillaume Soro se sont chiffrées en dizaines de milliards de FCFA. Les bonnes nouvelles s’accumulent, et les manifestations éparses des ex-mouvements d’autodéfense (GPP, FSCO, etc…) ne sont tout au plus que des épiphénomènes. Tout va très bien, Madame la Marquise !

D’où vient-il que nous avons à l’esprit quelques pensées, sinon grincheuses, du moins inquiètes ? En réalité, depuis que nos parents nous ont raconté qu’ils avaient trop dansé trop longtemps sur les airs de «Indépendance cha cha», et qu’ils s’étaient réveillés encerclés par les guerres, le néocolonialisme, le tribalisme et tous les mauvais «ismes» – on parle bien des bons «té» –, certains d’entre nous se méfient comme de la peste des réjouissances et des célébrations.

La guerre est finie. Et si elle est finie «façon Ouaga» plutôt qu’à la mode Linas-Marcoussis, c’est parce qu’une résistance patriotique et populaire s’est dressée face à la volonté de puissance et à l’arrogance d’une coalition aujourd’hui démembrée. Cette résistance a souvent été comparée à celle de nos Pères, qui a fait comprendre aux colonisateurs qu’il fallait partir – même si l’un d’entre eux a réussi le tour de passe-passe de «partir pour mieux rester». Cette résistance a souvent mis en question la réalité de nos indépendances et mis en accusation nos pères de l’indépendance, pointés du doigt pour avoir «vendu le pays», «trahi la cause» dès l’accession à la souveraineté formelle. S’il est vrai que nous nous acheminons, maintenant que la guerre est finie, vers une «seconde indépendance», nous devons nous entendre, au-delà des slogans faciles, sur les raisons qui ont corrompu la «première indépendance» et ne considérer l’action de nos dirigeants qu’à leur capacité à ne pas reproduire les fautes du passé.

Certains intellectuels africains, francophones comme anglophones, estiment que le principal péché des Anciens a été d’arracher les libertés des peuples d’Afrique des mains des colons pour se contenter de les monopoliser, et de mettre leurs peuples enchaînés à leur propre disposition ou à la disposition de leurs maîtres respectifs dans le cadre de la Guerre Froide – ou les deux.

Si nous sommes d’accord avec l’analyse de ces intellectuels, nous devons juger nos dirigeants – maintenant que la guerre est finie – à la manière dont leurs systèmes ménagent et protègent nos libertés individuelles et nos libertés collectives, à l’exception de la liberté de notre Etat par rapport aux autres (pour laquelle nous pensons nous être battu à la suite des Anciens).

Dès lors que les choses sont ainsi posées, les questions qui fâchent apparaissent. Elles nous montrent l’ampleur de travail de «rectification» qui devra commencer dès que le flambeau de la paix de Bouaké s’éteindra. Qu’en est-il, au sortir de cette guerre, des libertés économiques du citoyen ? Quelle est la marge de liberté du marchand qui achemine l’igname de l’intérieur du pays jusqu’à Abidjan, par rapport à celle des seuls représentants de l’Etat qu’il croise – les forces de l’ordre ? Dans quelle mesure l’opérateur économique ivoirien est-il mieux protégé de la violence et de l’arbitraire que ses homologues mauricien, botswanais ou norvégien ? Quel est son degré de tremblement et d’appréhension quand il se rend dans un tribunal ? Quand son droit lui est reconnu, doit-il ensuite passer par l’arbitraire du bakchich ? Que signifie pour l’Ivoirien le droit à la santé et à l’éducation, dès lors que la corruption établit ses propres règles et subvertit tellement le principe de la gratuité qu’il perd tout son sens ?

De manière générale, l’Etat, dans nos postcolonies d’Afrique francophone, s’accorde trop de droits et en laisse finalement assez peu au citoyen. Les exemples de ce réflexe qui ne s’interroge même plus, tellement il est ancré, courent dans les rues. Dans l’affaire des déchets toxiques, l’Etat (victime certes, mais aussi complice, quand bien même ce ne serait que par négligence) s’est indemnisé assez largement ; ses démembrements ont eu facilement leur «dû» et n’ont pas subi le chemin de croix que les victimes anonymes – éreintées par l’arbitraire d’une bureaucratie qui crée le cafouillage pour mieux en profiter – continuent de vivre. Pour parachever le processus de paix, le gouvernement lève des fonds à l’international alors que depuis deux ans, le budget n’est plus discuté à l’Assemblée nationale, devant la représentation du peuple souverain. Le gouvernement endette le peuple, sans trop lui expliquer les détails, pour «arranger» ce que son chef, Guillaume Soro, a «gâté». Le gouvernement se couvre d’amnistie, l’Etat est irresponsable devant le peuple, sauf que ce dernier a désormais, en plus du droit d’applaudir, celui de voter.

Nous ne voulons pas jouer les rabat-joie. Mais il nous semble important de dire ces choses. La guerre qui a commencé le 19 septembre 2002 est finie, ou sur le point de finir. Implacable, la crise qui a commencé au début des années 1980 ne cesse de s’aggraver, et de changer de visage chaque jour – pour le pire.

C’est à cette crise qu’il faut s’attaquer. Au risque de voir devant nos yeux pire que la guerre.

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Commentaires
O
NATION<br /> J'entends par nation, l'ensemble des gens NES sur une territoire donné, leurs progénitures, collatéraux et autres alliés par des échanges matrimoniaux. De ce (mon) point de vue, la CI est évidemment une nation ; ce qui est différent d'Etat-nation. Il s'ensuit que "nation" est un concept strictement anthropologique, et non pas pas une quelconque catégorie de la Politique : non pas qu'on ne puisse faire de la politique à l'intérieur de la nation (cf. Etat-nation...), mais que le lieu de la politique n'est pas nécessairement le domaine de la nation. Au contraire, la politique a ceci de spécifique qu'elle transcende les liens anthropologiques, dont procèdent également la nation...<br /> <br /> POLITIQUE<br /> Les hommes/femmes, du seul fait que ce soit des êtres humains, peuvent se mettre ensemble, concevoir des règles de vie collective, qui respectent la personne de chaque membre de cet ensemble, en vue de la pérennité, voire la prospérité, dudit ensemble. Ainsi, tandis que la Nation se fonde (exclusivement) sur des liens de sang, la politique les dépasse pour créer des rapports de droit (équitables, équilibrés : mââtiques...), qu'on appelle encore Lois. Cela suppose des hommes/femmes libres, qui adoptent eux-mêmes souverainement, et en toute connaissance de cause, les règles de vie collective, au moyen d'un acte que les Blancs appellent Constitution (et que les Manden, au XIIIè siècle, du temps de Sogolon Mari Diatta appélèrent Gbara...)...<br /> <br /> "Si nous sommes d’accord avec l’analyse de ces intellectuels, nous devons juger nos dirigeants – maintenant que la guerre est finie – à la manière dont leurs systèmes ménagent et protègent nos libertés individuelles et nos libertés collectives, à l’exception de la liberté de notre Etat par rapport aux autres (pour laquelle nous pensons nous être battu à la suite des Anciens)."<br /> Il s'agirait donc d'une vigie ex-post, attitude qui sied bien au journaliste que tu es, Théo, ou aux intellectuels que tu invoquent. Mais, le citoyen doit agir impérativement ex-ante : non pas demander aux dirigeants "qu'avez-vous fait?", ou même "que faites-vous?". <br /> <br /> L'attitude citoyenne devrait surtout consister à contribuer à la conception des lignes directrices des politiques publiques à venir, puis à choisir les futurs dirigeants capables de faire le boulot dont le cahier des charges aura été ainsi défini. Si nous ne disons pas clairement dès à présent ce que nous autres Africains voulons, nous n'aurons aucun compte à demander à des dirigeants qui n'auront pas reçu des mandats express...<br /> <br /> ETAT<br /> Je voudrais rappeler que les plus grandes formations politiques de l'histoire africaine, depuis des millénaires, ont toutes eu une structure fédérative : Kemet, Wagadu, Kongo-dyna-Nza, Mali, Ashanti, Ifé, etc. Qu'en conséquence, pas plus que la nation, l'Etat n'est pas le seul horizon politique envisageable pour une collectivité d'hommes et de femmes désireuse de faire Société : La CI peut être reconfigurée en un ensemble de Régions (à la manière des Länder allemands) dotées de grandes prérogatives politico-administratives, en vue de rapprocher les lieux de décision politique au plus près des citoyens. Donc des assemblées régionales très autonomes, aux pouvoirs législatifs conséquents. Une assemblée fédérale composée de tous les membres des assemblées régionales, dont la présidence serait renouvelée à chacune de ses 4 sessions annuelles d'une semaine, et dont les affaires techniques et administratives seraient gérées SG permanent composé de hauts fonctionnaires spécilaistes de droit et économie publics...
E
Vous faites bien, M . Kouamouo, de "jouer les rabat-joie". Je crois qu'il est absolument nécessaire de comprendre les enjeux qui nous attendent désormais, et de se souvenir qu'a priori il n' y aura de Plan Marshall pour notre pays qui nous permttrait de noyer les tensions sociales sous de grands chantiers de 'développement'. Le vrai défi est celui de la citoyenneté vraie; le fait d'être de la Côte d'Ivoire ou d'y habiter fait que de facto je jouis de certains droits sans le respect desquels la vie en société devient une balance mal équlibrée en permanence. Je ne sais pas si nous sommes une nation, ou destinée à devenir une nation ( car ce mot en lui-même couvre la densité d'une option historique dont je ne suis pas certain qu'elle soit si désirable que cela...), mais je sais que nous sommes une société d'hommes et de femmes. Ce simple fait implique que le respect de la dignité de chacun(e) par les institutions représentant la puissance publique - on ne devrait même pas avoir à le rappeler.
L
Salut,<br /> <br /> Depuis l'éclatement de la crise, l'on ne cesse de crier qu'une nouvelle CI va naitre. Le MPCI dit avoir pris les armes pour "un nouvel ordre politique". Les patriotes de leur côté n'ont cessé de haranguer les foules: "la CI ne sera plus comme avant!"<br /> <br /> Lors de la table ronde de Linas-Marcoussis, les revendications des rebelles ont porté sur l'octroi de la nationalité à certaines personnes, la modification de l'article 35, la révision du foncier rural...Comme ils avaient en leur possession les armes, leurs revendications ont été entièrement satisfaites. Il faut toutefois craindre, d'ici peu, les revendications des "voix silencieuses" portant essentiellement sur le système qui prévaut depuis...Houphouet! Car, de 1993 à 2000, les hommes ont changé mais le système demeure.<br /> <br /> Témoins privilégiés d'une époque ont se sont nouées les conditions déterminantes de notre actualité, il est tout à fait logique de recourir chaque fois aux "Pères Fondateurs". Mais Théo, tu conviens avec moi que certains Présidents ont réussi la rupture. On peut citer le cas du Mali, du Bénin, de l'Afrique du Sud...Il faut donc savoir responsabiliser ceux qui sont aux affaires présentement.<br /> <br /> Que proposent-ils à cette jeunesse désorientée et déboussolée? Les armes ne sont jamais assez loin de ceux à qui il n'est pas permis de rêver sainement. Cherchent-ils à bâtir un Etat?<br /> <br /> La méfiance, le ressentiment, le soupçon qui prévalent rongent les liens de la civilité; empêchant du coup l'établissement de liens organiques (Mendras), gages de l'édification d'une NATION. Et on ne construit pas un Etat avec des liens mécaniques. Ce que je remets ici en cause dans cette CI qui est entrain de sortir de la crise, c'est la structure de base même de la société ou plus exactement la façon dont les institutions sociales les pus importantes répartissent les droits et devoirs fondamentaux et déterminent la répartition des avantages tirés de la coopération sociale.<br /> <br /> A défaut de susciter le mirale, qu'ils nous épargnent au moins la catastrophe!
W
Ton post Theo, bien evidemment, remet les bonnes questions a leur place. Alors que la guerre aura ete l'alibi bien trouve pour certains, pour ne pas adresser les preoccupations majeures que la Cote d'Ivoire dopit regler, la fin deladite guerre devra, a n'en point douter etre le moment de rappeler au dirigeants actuiels mais aussi a toute la classe politique ivoirienne qu'il est imperieux de traiter, avec une bien grande obligation de rendre compte, les problemes de notre temps, les problemes des differents secteur de l'economie ivoirienne. Les pouvoirs que s'arrogent ceux qui exercent des responsabilites publiques, evidemment a eux deleguees par l'Etat, et donc par le peuple, ne devraient plus subsister. Le manque et/ou la faiblesse d'obligation d'informer le commun du citoyen en Cote d'Ivoire a atteint un pic tel que cela est considerer comme la norme. Des engagements sont pris au nom de la Cote d'Ivoire, sans information aucune du peuple, qui constitueront des boulets que les generations a venir auront a trainer. Il n'est plus acceptable que l'Etat, dans ses agissements quotidiens, aux travers des differents responsables d'agences ou structures publiques ou de ses demembrements qgissent dans le sens de la reduction des libertes citoyennes et de sa responsbilite vis-a-vis du citoyen.<br /> Les questions de l'education et de la formation, de l'emploi, de la sante, de la justice, de la mise en place d'un cadre des affaires soutenable et incitatif, de l'exploitation des ressources naturelles nationales, de la gestion des affaires et services publics doivent etre maintenant resolument adressees. La cote d'Ivoirea patauge pendant trop longtemps pour s'offir encore le spectacle de la negligence dans de nombreux domaines et secteur. Que l'heure en vienne a la promotion de ces vraies valeurs qui sous-tendent l'enrichissement individuel et collectif. L'on ne saurait accepter pour la Cote d'Ivoire un marche politique tel que celui-ci en vienne a etre considere comme le passage oblige pour vers la richesse materielle. La Cote d'Ivoire ne peut continuer a s'autoriser une incapacite de l'Etat a faire face a des questions qui telle qu'abordees et reglees la conduisent ineluctablement vers l'abime. La Cote d'Ivoire ne peut s'autoriser a etre decadente. Le temps est, depuis bien longtemps d'ailleurs, venu pour la Cote d'Ivoire, donc pour ses dirigeants actuels, d'adresser les bonnes questions avec responsabilite, transparence, respects des regles et principes de bonne gouvernance, tout en faisant savoir au commun de citoyen ce qui est fait en son nom.
C
Je ne résiste pas au plaisir de citer ton compatriote Achille Mbembe, dont les phrases éclairent fort à propos ce que tu dis:<br /> <br /> "Mais comment aborder les différentes questions abordées (...) sans placer au centre de l'analyse les trois évènements historiques majeurs que représentent, d'un côté, l'éviction de l'Afrique des marchés réguliers mondiaux; de l'autre, les formes particulières de son intégration dans les circuits de l'économie parallèle internationale; et enfin le fractionnement de la puissance publique qui accompagne ces deux processus? En effet, à travers les formes apparamment inédites d'insertion dans le système international et les modes d'exploitation économique qui en sont le corollaire, sont en train de prendre corps, presque partout sur le continent, des formules de la domination tout aussi inédites.<br /> <br /> Leur cristallisation sera le résultat des réponses que les acteurs victorieux des luttes en cours apporteront aux principales questions suivantes: qui est qui? Qui doit être protégé, par qui, contre quoi, contre qui et à quel prix? Qui est l'égal de qui? A quoi ai-je droit du seul fait de mon appartenance à une ethnie, à une région, à une religion ou à une fraternité? Qui peut prendre le pouvoir et diriger le pays, dans quelles circonstances, comment, pendant combien de temps et à quelles conditions? Qui a droit au produit du travail de qui et contre quelles compensations? Quand peut-on cesser de se plier à l'autorité sans être puni? Qui doit punir qui et pour quelles raisons? Qui doit payer l'impôt et quelle est sa destination? Qui peut contracter des dettes au nom de qui, à quoi doivent-elles être dépensées et qui doit les rembourser? A qui appartiennent les richesses d'un pays?<br /> <br /> Toutes ces questions ont trait aux piliers sans lesquels il n'existe point d'ordre social tout court."<br /> <br /> (De la postcolonie, chap.2 - Du gouvernement privé indirect)<br /> <br /> PS: Je rappelle à toutes fins utiles que ce livre a été publié à l'an 2000. L'actualité de la crise ivoirienne montre toute la pertinence de son propos, en Côte d'Ivoire et ailleurs sur le continent. Ce sont ces questions qu'il nous faut soulever et poser aux "décideurs" - politiques, juridiques ou économiques. A nous de jouer!
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