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Le blog de Théophile Kouamouo
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12 août 2007

D’Abidjan à Niamey

Interview_Mahamadou_Issoufou882La semaine dernière, Le Courrier d’Abidjan publiait une enquête – rédigée par l’auteur de ces lignes – sur la crise de l’uranium et la rébellion du MNJ au Niger, soupçonnée par le gouvernement de Mamadou Tandja de liens avec la Libye et la France. Aujourd’hui, nous publions une interview de Mahamadou Issoufou, principal opposant nigérien, qui évoque entre autres choses la crise qui a secoué la Côte d’Ivoire et celle que vit son pays. Nous avons choisi de commenter ici certains de ses propos qui suscitent en nous quelques réflexions – ou renforcent quelques certitudes.

Evoquant la crise ivoirienne, Mahamadou Issoufou, membre de l’Internationale socialiste, avoue que de nombreux partis et leaders d’opinion traditionnellement liés au parti dont est issu le président Laurent Gbagbo ont été mal informés sur ce qui se jouait à Abidjan. «…la crise a duré et effectivement je comprends que les camarades ivoiriens du FPI aient eu l’impression que le comité Afrique n’a pas apporté un soutien à la hauteur des enjeux ; parce que la situation était quand même très grave. Cela est certainement dû au fait que les différentes parties de l’Internationale socialiste n’ont pas toujours compris la gravité de la situation ivoirienne et n’ont peut-être pas aussi toujours disposé des informations nécessaires qui puissent leur permettre d’analyser correctement la situation dans laquelle se trouve la Côte d’Ivoire», dit très clairement le président du PNDS.

Ce faisant, il revient sur un des plus gros scandales de l’Afrique contemporaine. Alors que nous sommes entrés de plain-pied dans l’ère de l’information, le continent n’arrive toujours à se parler à lui-même et à parler aux autres. Nous sommes en 2007, et nous entendons toujours parler du voisin après qu’il soit passé à la « moulinette » de RFI ou de la BBC. Aujourd’hui, il n’y a quasiment pas de titre de presse francophone à audience internationale où des Africains – vivant notamment en Afrique – parlent à une large audience d’Africains. Il suffit de lire l’ours de l’hebdomadaire parisien qui est supposé faire ce travail pour se rendre compte qu’aujourd’hui, il héberge si peu de plumes africaines qu’on s’interroge sur son récent retour à son appellation d’origine, après quelques escapades «intelligentes».

Il faut se rendre à l’évidence : les élites et les peuples africains se comprennent peu parce qu’ils ne se parlent pas. Aujourd’hui, il y a pourtant énormément de facteurs conjugués qui pourraient faciliter la création et l’implantation de titres de presse, de radios et de télévisions transnationales en Afrique. Il est de la responsabilité des forces politiques et économiques de progrès à prendre leur part dans la «guerre cognitive» (selon l’expression de mon ami Calixte Tayoro) qui se déroule actuellement sur un continent redevenu éminemment stratégique.

Mais il ne faudrait pas ne voir l’information que par la petite lorgnette journalistique. L’information est également stratégique, et nécessite à cet égard les analyses d’experts africains décryptant les grands enjeux de manière anticipatrice, fournissant le matériau de base à ceux qui veulent comprendre des questions complexes, nourrissant la réflexion des dirigeants et interrogeant leurs choix. Il est tout de même frappant que dès lors qu’on parle des grandes questions économiques en Afrique, l’ésotérisme le plus cachottier devienne la règle.

Le Niger a des conflits d’intérêt avec la France, liés au prix auquel Areva achète l’uranium extrait dans le pays considéré comme le plus pauvre du monde, au regard de l’Indice de développement humain. L’on apprend que jusqu’ici, Areva achetait le kilogramme d’uranium à un prix plus de quatre fois inférieur au cours mondial actuel (41 euros contre 180 euros), et qu’après des accords mystérieux entre la direction de la compagnie française et Aïchatou Mindanaou, chef de la diplomatie nigérienne, le prix a été renégocié et est désormais de 60 euros le kilo, soit le tiers du cours mondial – dans un contexte où la rébellion touarègue fragilise l’Etat nigérien. L’on apprend que le Niger est actionnaire des filiales d’Areva qui extraient l’uranium sur place, mais qu’il est totalement absent, depuis l’indépendance, de la commercialisation de l’uranium (il vient d’acquérir le droit de vendre une – faible –partie de sa production sur le marché mondial). Schématiquement, les filiales d’Areva (où l’Etat du Niger est actionnaire) vendent à Areva France qui revend sur le marché mondial avec une plus-value mirifique. On croit entendre de nouveau parler du système mis en place par Elf, où Elf-Gabon et Elf-Congo vendaient, à pris dérisoire, à Elf-Trading, qui faisait des bénéfices monstres ! L’on comprend quels jeux d’écriture permettent à certains d’affirmer que l’Afrique ne représente que 2% du commerce mondial. Où sont les experts africains ? Qu’ils sortent du bois et qu’ils participent au débat sur ce qui apparaît comme des accords inégaux acceptés benoîtement pendant trop longtemps ! Qu’ils confondent ceux qui ne pourront pas garder leurs monopoles économiques dès que leur monopole explicatif sera mis en crise de manière scientifique…

Mahamadou Issoufou, opposant nigérien, est-il idiot ou tout simplement patriote ? Face à la rébellion armée qui secoue le Niger, il tient un discours condamnant la prise des armes, et se référant très clairement aux mécanismes constitutionnels réglant les différends à l’intérieur de son pays. «Mon point de vue par rapport à cette situation c’est que le Niger vit sous un régime démocratique, républicain et que par conséquent nous avons des mécanismes dans notre Constitution et dans nos lois qui permettent de surmonter tous les différends entre Nigériens (…) surtout que le 31 mai dernier l’opposition que j’ai l’honneur de diriger a déposé une motion de censure à l’Assemblée nationale contre le gouvernement et cette motion de censure a été adoptée à la majorité des députés. Il y a eu 35 députés de la majorité qui ont joint leur voix aux 52 députés de l’opposition pour voter cette motion de censure et ainsi renverser le gouvernement ; un nouveau gouvernement a été mis en place et cela constitue à nos yeux la preuve que les mécanismes qui sont contenus dans notre Constitution pour sortir des blocages, pour régler les conflits, pour surmonter des crises fonctionnent, et les Nigériens peuvent y avoir recours», nous a dit Issoufou. Si les opposants ivoiriens avaient adopté ce type de position de principe après le 19 septembre 2002, la crise que nous vivons n’aurait pas duré cinq ans… De plus, ils auraient conservé leur crédit intact au sein de la population et regarderaient les élections à venir avec moins de fébrilité… à l’image d’un Mahamadou Issoufou, qui entrevoit l’échéance de 2009 en toute sérénité !

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Commentaires
L
Levy a fait le tour de la question sur ce sujet à mon avis. mon commentaire étant inclus dans le sien, je puis dire alors No Comment.
L
Salut,<br /> <br /> Partons d'une approche définitionnelle que le tout-venant peut admettre de l'expert africain: un Africain qui est compétent sans un domaine donné. On pourrait trouver des experts en économie, en informatique, en ponts et chaussées, en agronomie, en sciences juridiques...<br /> <br /> Il faut avoir une bonne dose d'absence de bonne foi pour oser affirmer que des experts dans ces domaines font défaut à l'Afrique. La question est alors: mais que font-ils?<br /> <br /> En Afrique subsaharienne francophone, Dakar a appris à faire la promotion de ses cadres aussi bien au plan local qu'à l'international. Après avoir acquis une certaine somme d'expériences professionnelles, ils arrivent à se mettre convenablement au service de leur Patrie.<br /> <br /> Ces cadres, doués dans leurs domaines d'activités, ont pu trouver des "solutions locales" aux crises rencontrées par leur pays. Aussi la société de communication (SONATEL), d'énergie (Compagnie Générale d'Electricité),...ont échappé à la braderie qui a eu lieu ici à Abidjan!<br /> <br /> Hormis ce pays, la plupart du temps, ces experts ont été mis au garage parce qu'ils se sont montrés opposés au système en place dans leur pays. Ceux-là ont choisi de vivre la galère sans pour autant avoir les moyens d'influencer, comme ils le souhaitaient, la jeunesse. Ils sont devenus de simples parias.<br /> <br /> A côté d'eux fourmillent ceux qui ont choisi de devenir des collabos afin de pouvoir se réaliser. Ils ont abandonné tout ce qu'ils ont appris pour devenir des "experts" en dépenses non ordonnancées. Ils sont devenus des parvenus. Aujourd'hui, ils sont assis confortablement au coeur des différents pouvoirs ou alors ont eu droit à des retraites dorées.<br /> <br /> Malheureusement, la jeunesse africaine penche un peu plus du côté des parvenus. A quand le développement de l'Afrique?
L
Salut,<br /> <br /> J'ai appris du vieux Socrate à cerner les tours et détours d'un concept avant d'engager un débat relatif à ce cocept. Dès lors, c'est qui un "Expert Africain"? peut-être convient-il de savoir avant tout qui est "Expert" et qui est "Africain" avant d'en arriver là!<br /> <br /> L'approche étymologique nous fait savoir qu'un expert est un un homme qualifié, compétent, doué, efficace...Un Africain, c'est aussi celui qui est originaire de l'Afrique.<br /> <br /> Soit; mais si nous empruntons le sentier moins mouvant du football, nous pouvons admettre sans difficulté que les Africains Basile Boli (CI), Marcel Desailly (Ghana), Tigana (Mali) furent des experts dans le domaine du football. Furent-ils pour autant des experts africains?<br /> <br /> Faudra-t-il donc être au service de l'Afrique pour être qualifié d'expert africain? Le Malien C Modibo de la NASA est un expert. Mais il travaille d'abord pour les USA avant de travailler pour...l'humanité. Est-il un expert africain?<br /> <br /> Il faut avoir la bonne foi de reconnaitre que s'il revenait dans son Mali natal, il y a de fortes chances qu'il ne puisse utiliser que 2% de ses connaissances; les moyens étant quasi inexistants au Mali pour mettre en oeuvre ses compétences. <br /> <br /> Il faut, en outre signaler, que l'approche définitionnelle de l'expert varie de l'angle français à l'angle anglais. <br /> <br /> Vu dans le monde francophone, l'accent est mis sur les connaissances. La question permettant de discerner l'expert est guidée par "how to know?" (entendez: qu'est-ce qu'il connait?). L'expert sera défini au nom de ses diplômes: un Docteur, un Agrégé...<br /> <br /> Vu de Londres, l'accent sera mis sur ce que cet homme sait faire. Et donc la définition de l'expert est orientée par la question "how to do?" (entendez: qu'est-ce qu'il sait faire?"<br /> <br /> Alors, c'est qui un "Expert Africain"?
L
Ce qui ne rélève d'aucun doute, c'est l'existence réelle d'experts africains. Et donc ...
K
Y a t il des experts en Afrique?
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