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Le blog de Théophile Kouamouo
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20 août 2007

Les dindons de la guerre

Est-ce donc un des signes de «l’exception ivoirienne» ? Alors qu’habituellement en Afrique, les conflits armés poussent les citoyens et les observateurs à s’interroger sur les chances de survie de l’Etat, on est bien obligé d’affirmer qu’au pays des Eléphants, la problématique se pose autrement. Paradoxalement (à première vue), la crise politico-militaire est, pour de nombreuses corporations et groupes d’intérêt, l’occasion rêvée pour donner de la voix et faire «avancer des dossiers». Partis politiques, enseignants, douaniers… tout le monde compte bien profiter de «l’aubaine» de la déstabilisation de l’Etat pour mieux l’obliger à accepter des revendications qui seraient, peut-être, plus difficiles à imposer en période de paix. Alors que la crise tire à sa fin, voici que la Grande Muette, elle aussi, se fâche, rouspète et revendique. Des murmures (savamment entretenus) parcourent les casernes. On s’interroge sur les retards de paiement des «primes de guerre» ou «primes alimentaires». On demande à l’Etat un «dédommagement» de fin de guerre : six millions de FCFA par soldat !

d_fil_Comment expliquer ce déchaînement assez inattendu d’exigences catégorielles alors que la Côte d’Ivoire est en train de sortir du plus profond abîme de son Histoire ? Difficile à dire, mais certaines pistes de réflexion peuvent être explorées.

Premièrement, cette crise atypique a trop duré, alors que ses manifestations militaires et tragiques n’ont été que des pics de courte durée. Elle a fini par «lasser» ceux qui attendaient son terme pour poser leurs problèmes. La guerre avait, la plupart du temps, des apparences de normalité : il n’était donc pas question de repousser ad vitam aeternam l’expression de difficultés s’exacerbant un peu plus chaque jour. Le conflit armé n’a pas fait disparaître les soucis du quotidien !

Deuxièmement, dès le moment où l’enjeu le plus immédiat de la crise a été le maintien ou l’éviction du pouvoir du président élu, une tendance très naturelle de la nature humaine s’est révélée. Puisque Gbagbo est dos au mur et a besoin de nous, profitons-en pour faire monter les enchères, se sont dit plusieurs groupes et corporations, courtisés en permanence par ceux dont le but était de ravir le fauteuil à celui qui était assis dessus.

Troisièmement, l’expérience a montré que la crise n’avait pas provoqué un appauvrissement net du pays. L’économie de guerre avait rendu certaines poches encore plus pleines, la fièvre consommatrice continuait d’habiter de nombreuses notabilités politiques, l’argent coulait à flots et la corruption s’emballait. L’instabilité gouvernementale créait des décaissements énormes pour des projets toujours inaboutis, sans que personne ne s’en offusque. Le budget de l’Etat ne cessait d’augmenter, mais l’argent était désormais affecté aux dépenses de fonctionnement d’un gouvernement n’zassa particulièrement dépensier, tandis que tous les investissements et grands projets marquaient le pas. L’invocation permanente de la crise devenait donc, pour de nombreux Ivoiriens, un «piège à cons» tendu par la coterie des jouisseurs.

Bref, la crise devenait, aux yeux du grand nombre, le moment idéal pour faire prospérer les fortunes privées au détriment de l’Etat. D’autant plus que l’Etat lui-même se sentait souvent si fragile qu’il donnait l’impression d’acheter la fidélité de ses serviteurs – notamment des militaires. Une option qui a coûté très cher aux entreprises les plus loyales du secteur privé, prises à la gorge entre les stratégies mafieuses de certains hommes d’affaires et les besoins toujours grandissants du fisc, des douanes et d’un «racket» profitant lui aussi de l’instabilité institutionnelle pour s’épanouir au-delà de ce qu’on pourrait appeler ses territoires naturels…

La manière dont la crise se termine ne contribue pas non plus à ériger une «morale de l’Histoire» et conforte ceux qui pensent avoir été bernés dans un conflit-carnaval où tout devenait possible et qui donnait l’occasion aux plus filous de «manger». Les militaires qui ont maintenu intacte leur loyauté envers l’Etat s’étranglent de rage lorsqu’ils voient le luxe insolent dans lequel baignent leurs anciens camarades qui ont trahi, ont été absous et jouent les vedettes. Ils se voient comme les «dindons de la guerre», d’autant plus que leurs chefs, en rapport direct avec le pouvoir politique, leur semblent avoir accumulé, eux aussi.

La crise politico-militaire a réussi à assécher les valeurs, à déboussoler les esprits naguère nourris aux idéaux républicains. C’est cela le vrai danger. Il est impossible de bâtir une paix durable sans qu’elle repose sur un socle solide, une utopie partagée. Si tant d’Ivoiriens veulent «manger» ici et maintenant, c’est parce qu’ils ne croient plus en un avenir collectif. Il est urgent de rebâtir un vrai projet national crédible, dans lequel le plus grand nombre se reconnaîtra et acceptera de mourir un peu à lui-même. Ce travail est celui des hommes politiques de ce pays. Pour l’instant, ils semblent être engagés dans une précampagne dont le nec le plus ultra est de diaboliser l’adversaire. Cela n’est pas suffisant. Aujourd’hui, le désarroi national se fonde aussi sur un constat. Tous les bords politiques ont été aux affaires, séparément ou (le plus souvent ces dernières années) ensemble. Tous ont déçu, tous se sont laissés aller à des dérives visibles par tous, en matière de bonne gouvernance. La saleté généralisée des dix communes du district d’Abidjan, gérées par des maires de toutes les obédiences politiques, montre qu’il n’y a plus de poche de moralité naturelle. Dès à présent, les leaders ivoiriens doivent s’atteler à construire des projets dont le cœur sera la résurrection morale de leur pays. C’est à la crédibilité de cet aspect de leurs engagements de campagne qu’ils seront jugés.

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Commentaires
I
Franchement parfois on est un peu dépité de lire certains commentaires.<br /> Comment peut on comparer les humeurs de syndicalistes à une grogne de militaires après tout ce qu'on vient de vivre? Comment peut on comparer un general qui a eu ses galons au combat pour la republique à des generaux bureaucrates?<br /> A croire que beaucoup d'ivoiriens ont trouvé leur bonheur dans cette situation sociopolitique ridicule!<br /> Les gens ne comprennent pas que pour marcher il faut d'abord se lever: Si on estime que le fpi est kleptomane ou gabegique, pourquoi ne pas simplement se concentrer sur la sortie de crise puis le sanctionner dans les urnes une fois le pays reunifié? Pourquoi ne pas concentrer les critiques de nos plumes si bien informées sur l'armée à nous dénicher des preuves inédites de la gestion refondatrice? POurquoi lorsqu'il s'agit des postes ministériels tout le monde est dans le gouvernements et quand il s'agit des problèmes c'est le fpi seul le responsable? Est ce par aridité de preuve de mauvaise gestion qu'on préfère pousser l'armée dans un coup d'état? Ayons encore en memoire que c'est au moment de l'acte du desarmement des forces nouvelles que le clash se produit toujours!<br /> Dernière question: a quelle logique obeissait soro guillaume quand il distribuait les galons à ses hommes?
L
Biern chers villageois, je serais ravi de faire votre connaissance en privé via Théo. Je suis à l'écoute!
L
Esther,<br /> <br /> Je ne veux pas jouer le limiteur de vitesse ou alors le coupeur de route mais je crois objectivement que les dés ont été pipés depuis le 19 septembre 2002. Peut-on sérieusement dire que c'est le FPI qui est au pouvoir en CI?<br /> <br /> Je ne suis pas le porte-parole de ce parti sur cet espace mais je crois que la Refondation est autre chose que ce que nous voyons. Cet idéal existe mais, du fait de la guerre, plusieurs ont oublié les idéaux du départ.<br /> <br /> Ayant assumé des responsabilités politiques nationales tant au sein de la jeunesse de ce parti, j'en sais quelque chose. Je reconnais toutefois que cette guerre ne saurait justifier les égarements des uns et des autres. je n'emprunterai pas non plus les arguments de Mamadou Koulibaly pour justifier ces dérives.<br /> <br /> Etant dans l'opposition, Gbagbo ne pouvait pas imaginer qui était capable de quoi. je crois qu'avec le futur mandat, nous serons dans de meilleures conditions pour juger son programme dénommé la Refondation!<br /> <br /> Autre chose, Esther: A quoi est dû ce sabotage/piratage?
C
Oui c'est cela la "rebfondation", c'est-à-dire, la cohabitation de la refondation et de la rebellion asptisée, soutenue et légitimée par une partie impotante de la Côte-d'Ivoire, incarnée par le RHDP? un attelage très contestable du point de vue moral, mais finalement en adéquation avec l'état moral général des ivoiriens. On ne peut pas me parler de Refondation dans un pays ou le président de la République a des ministres inamovibles et où le prefets, les élus sont confinés à plus de 60 % à l'inexistance. Oui, aujourd'hui la corruption a atteint des pics, mais ce serait très malhonnête d'en faire un bilan de la gestion de la Refondation. Esther, si tu ne le sais pas, depuis le 18 septembre 2002, la Refondation a été assassinée...
E
Salut,<br /> <br /> ce débat nous a tellement préoccupés ces derniers temps. Les soldats devraient-ils revendiquer? Les avis sont partagés.<br /> <br /> Personnellement, vu le train de vie de l'Etat, il y a de quoi revendiquer. La guerre a eu le dos un peu trop large. Je crois que c'est trop facile de se cacher chaque fois sous le manteau de la guerre. Pendant ce temps, ceratains ministres osent nous narguer en nous faisant savoir qu'avec ce qu'ils dans leurs comptes, "ils ne pourront plus jamais pauvres".<br /> <br /> Pendant ce temps, ce sont des "X5" qui sont offertes aux petites filles que la rue abidjanaise surnomme "les refondatrices". Pendant ce temps, ce sont des maitresses qui sont bombardées PCA, PDG des entreprises qui représentent pourtant ce qu'il est convenu d'appeler "la prunelle" de l'économie ivoirienne!<br /> <br /> C'était donc ça, la Refondation. Pourquoi avoir fait tant espérer le Peuple? Gbagbo est-il informé des dérives de ses camarades? sait-il que les Idéaux d'pposant ne sont plus que de vieux souvenirs?<br /> <br /> La morale a vraiment foutu le camp dans les affaires publiques. Aucune inspection dans les dépenses publiques! Il ne reste plus qu'à ouvrir un magasin au CCIA pour annoncer OFFICIELLEMENT les sommes à débourser pour entrer à l'ENA, à la gendarmerie, à la police!...<br /> <br /> Pendant ce temps, le cabinet que les entreprises publiques ont découvertes pour les RECRUTEMENTS se nomme...COJEP! Vous avez bien lu. Que peuvent bien proposer ces gens qui arrivent à peine à écrire leur nom sans faute? <br /> <br /> Autrement, 75% des nouvelles recrues soont de l'ethnie du DG. Comment oser confier une entreprise comme le PAA a un Gossio qui a connu ...10 ans de chômage?<br /> <br /> C'était donc ça, la Refondation!!!
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