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Le blog de Théophile Kouamouo
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3 septembre 2007

Sortir de la diabolisation

Houphouet_BoignyIls sont aujourd’hui quelques individus en Côte d’Ivoire, quadragénaires ou quinquagénaires. S’appuyant sur un certain nombre d’organes de presse diffusant leurs articles, ils rêvent visiblement de fonder ce qu’ils appellent le «néo-houphouétisme». Profitant de la période particulière dans laquelle nous vivons – le désir de critique interne est grand, même au sein de la galaxie patriotique, après les grandes mobilisations contre le projet de recolonisation de la Côte d’Ivoire –, ils font feu de tout bois et réussissent à semer le doute parmi les militants du camp opposé. Leurs armes ? L’exploitation du filon de la nostalgie – qui fonctionne d’autant mieux que nos sociétés déboussolées sont en réalité amnésiques – et la technique de la diabolisation à outrance. Réussiront-ils pour autant à renverser l’hégémonie idéologique de la Refondation ? Arriveront-ils à imposer une pensée alternative là où la première génération d’héritiers d’Houphouët-Boigny n’a en réalité jamais cogité, écrit, débattu ? Peut-être.

Mais il reste qu’ils utilisent des méthodes paresseuses. Leur critique est en réalité une critique en creux. Ils ne se posent qu’en s’opposant, ce qui permet de les attaquer aisément, tant leurs contradictions sont criardes et leur corpus de base mal défini. En réalité, fonder un néo-houphouétisme ne va pas sans définir a priori l’houphouétisme et à choisir, parmi les valeurs qu’il incarne, celles qui doivent être réhabilitées et celles qui ne sont plus à l’ordre du jour. L’houphouétisme n’était pas – loin s’en faut – démocratique. Le parti unique était l’une de ses caractéristiques durant quasiment toute sa durée. Faut-il remettre en cause le multipartisme et la règle démocratique pour ne pas se réveiller un matin avec des dirigeants «inaptes à gouverner» ? L’houphouétisme était centralisé. Faut-il remettre en cause le processus de décentralisation ? L’houphouétisme se fondait sur un clientélisme d’Etat qui a toujours cours, au demeurant. Qu’en faire ? Au point de vue international, l’houphouétisme bénéficiait du contexte de la guerre froide, et a été fortement déstabilisé par la chute du Mur de Berlin. Il conciliait une forme de redistribution vers les Etats voisins et une ingérence souvent meurtrière dans ces Etats. Quelle diplomatie pour le post-houphouétisme ? L’houphouétisme captait la manne cacaoyère pour rendre l’Etat crédible et financer – par l’endettement – de belles infrastructures, notamment dans le domaine de l’éducation, qui n’ont malheureusement pas résisté à une poussée démographique très forte. Faut-il poursuivre la libéralisation des filières agricoles ou réinstaller un organisme à la Caistab – comme au Ghana, pays qui se débrouille plutôt bien ? Les néo-houphouétistes doivent se prononcer.

On ne peut pas reprocher au FPI de n’avoir pas réfléchi en profondeur sur la société ivoirienne. Laurent Gbagbo lui-même a rédigé de nombreux livres, dont l’historique Côte d’Ivoire : pour une alternative démocratique. Ses contradicteurs d’aujourd’hui gagneraient à faire des propositions charpentées, en même temps qu’ils dénoncent l’existant. On peut penser aujourd’hui que les propositions du FPI il y a vingt ans étaient souvent un peu naïves et venaient de personnes qui n’avaient aucune expérience du pouvoir. C’est vrai, mais qui accepte le principe de l’alternance accepte le principe de l’inexpérience aux affaires.

Il est grand temps d’en finir avec l’arme de la diabolisation en politique, en Côte d’Ivoire et ailleurs en Afrique. C’est un impératif de modernité. A la décharge des néo-houphouétistes d’aujourd’hui, on est obligé de concéder que la diabolisation à outrance est une mode œcuménique dans la Côte d’Ivoire contemporaine – et c’est bien cela le drame ! Les derniers échanges d’amabilités entre le FPI et le PDCI au sujet de la «mort», qui caractériserait l’un ou aurait pris l’autre dans ses rêts, et la guerre grotesque autour du frère d’Henri Konan Bédié, en sont des exemples.

Le principal problème avec la diabolisation, c’est qu’elle ne va pas sans son corollaire, l’angélisation. Si l’enfer, c’est les autres, le paradis, c’est nous ! De toute façon, dès lors que l’autre est démoniaque, nous ne sommes plus obligés de prouver notre exemplarité. Nous pouvons nous contenter d’incarner «le moindre mal» !

Aujourd’hui, de nombreuses voix critiquent les dérives de la Refondation , et il sera difficile de les faire taire par quelques effets de manche. Mais l’agression de la Côte d’Ivoire par la France et le discours patriotique qui a suivi expliquent en partie le relâchement des mœurs de plusieurs. C’est une position morale confortable d’être face au «diable» français et à ses sbires locaux ! Cela exonère d’un certain nombre de devoirs. Et cela, de nombreux proches du président Gbagbo l’ont compris. Se souciant peu de ce que leur grand homme laissera à la postérité, ils regardent le pouvoir comme une sorte de bougie qui fond progressivement. Avant qu’elle s’éteigne, il faut s’empiffrer. Du reste, l’évidente conspiration de la nébuleuse française entretient la flamme.

Les crises font le miel de toutes les impostures. La logique de diabolisation a ceci de particulier qu’elle attaque les groupes, même en leur sein. Dès le moment où le discours se suffit à lui-même, il est aisé de se poser (par le verbe) à l’extrémité d’une tendance et de jouer les purs et les arbitres des élégances – quand bien même l’action et la lumière révéleraient nos propres lâchetés, notre misérable tas de secrets, nos manquements à l’élémentaire devoir de justice, notre part du fardeau de bassesse de l’humanité.

Celui qui diabolise s’exonère. Ainsi, les grands dénonciateurs de la corruption des «refondateurs» oublient et tentent de faire oublier que la Côte d’Ivoire est actuellement dirigée par tous les courants politiques, que les dix mairies d’Abidjan sont réparties démocratiquement et qu’aucune d’entre elles ne se signale par son exemplarité, que la corruption touche les ministères au même titre, que les hauts fonctionnaires sont de plus en plus voraces, sans distinction aucune.

Les logiques de diabolisation, comme le flou artistique dans lequel nage la Côte d’Ivoire depuis cinq ans, mettent à mort l’éthique de la responsabilité, y compris de la responsabilité individuelle. C’est pourtant le sursaut intime de l’âme humaine face à l’innommable qui accouche du progrès.

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Commentaires
D
Ils sont nombreux croupis dans l'ombre qui fantasment à l'idée que d'ici l'aube LG tombera.Et comme toute bétise de cette nature se doit de trouver une caution morale,ils sifflotent de manière bien puérile le mauvais fonction nement de l'administration. Et je demande comment ils y arrivent tant est-il qu'ils ont été de ceux qui ont marché,qui ont étés blessés et tues pou que Marcoussis et tous ces accords qui empechaient LG de mettre son programme de gouvernement soit appliqués.Il l'a appliqué partiellement(fort heuresement d'ailleurs),les consequences sont là:nous avons un gouvernement sans tëte ni queue ou l'on cherche la richesse et rien que ça.Tout les parties politiques ivoiriennes sont responsables
A
Je suis ahuri par la tonalité dee certaines réactions contenues dans ce blog à propos de cet article pourtant bien à propos de Théo !<br /> Je crois que l'esprit partisan et les antipathies personnelles l'ont par moment emporté sur la réflexion objective...et c'est dommage !<br /> Je trouve que certains intervenants comme Eppix seraient plus efficaces s'ils faisaient des propositions plus concrètes plutôt que de jouer les augures de mauvais aloi; de brandir avec une apparente satisfaction des lendemains obscurs pour les refondateurs et semblant oublier que toute détérioration de la situation en CI serait dommageable pour tous ;refondateurs ou pas.C'est de la vie du peuple qu'il s'agit dans toutes ses cmoposantes.<br /> Critiquez des actes précis posés par les refondateurs.Montrez leurs limites et faites des propositions.On sera plus constructifs ainsi.Une critique bien faite peut sauver une nation en ce sens qu'elle peut inspirer positivement les dirigeants du moment qui, ne l'oublions pas, ne sont que de passage.<br /> J'ai comme l'impression que certains intervenants sont dans la logique du sorcier.Avec le sorcier, peu importe qu'il y ait des choses à vous reprocher ou pas.Il veut votre perte et au besoin il vous trouveras des fautes afin de mieux vous diaboliser pour justifier une mise à mort! On peut sentir dans certains propos comme une jubilation à l'idée de découvrir que les refondateurs ne sont que des humains et qu'ils ont de ce fait des défauts.<br /> Les saints sont là haut !!! Ici bas, nous avons le devoir de nous entraider y compris par la critique(et non par le dénigrement) pour changer les choses
O
Oui, c'est moi qui contribue sur WP sous le même pseudo. D'ailleurs, je n'en ai pas d'autre sur tout le web...<br /> <br /> La transition aurait probablement pu être meilleure : puis-je dire également qu'elle aurait pu être pire? Cela ne ferait qu'un match de ping pong, dont il serait difficile de trouver le fin mot...<br /> <br /> Pourvu que cette transition se fasse, et qu'elle s'achève le plus rapidement possible : cette rebfondation est une hydre politique sans grande viabilité. Ce dont témoigne la fébrilité avec laquelle d'aucuns se remplissent les poches, de part et d'autre, conscient de ce que le temps leur est compté...<br /> <br /> Ce qui compte au fond, c'est assurément de réfléchir à la relève, aux circonstances démocratiques adéquates de cette relève, aux innovations institutionnelles radicales indispensables pour prévenir toutes les dérives (parfois orgiaques) auxquelles on assiste dans cet entre-deux... <br /> <br /> Soit dit en passant, ce n'est pas une exclusivité ivoirienne, ni même africaine ; puisque toute crise politique majeure, partout dans le monde, charrie son flot de miasmes...
E
Reconstruire sur des débris et du sable est une vision courte.<br /> <br /> Pour partir de l'avant, faudrait il au moins partir d'un constat d'échec et non faire dans l'autosatisfaction.<br /> <br /> Pour le reste, nous sommes bien d'accord dur la notion de trnsition, qui du reste, aurait pu être meilleure.
T
... Pensons aux défis de notre génération tout en déplorant tout ce qui nous énerve dans cet entre-deux. Oui, Gbagbo est un homme de transition, et c'est bien son côté retors et boulanger, cette faconde souvent "astonishing" et sa connaissance du marigot françafricain et houphouétiste qui crée cette cohabitation bizarre, où la Librafrique s'exprime sans que la Françafrique ait disparu, où les partisans de la modernité politique trépignent dans le même camp idéologique que ceux qui veulent sortir les sortants.<br /> Préparons notre tour. Consolidons notre corpus intellectuel, nos médias et moyens d'expression, nos banques, nos talents, nos réseaux... pour ne pas être surpris demain quand la transition s'achèvera et que le jour viendra.<br /> Pensons aux Sud-Africains au moment de la Black on black violence et des arrangements de l'ANC avec le Parti national. Il y a des périodes dures dans les mouvements de résistance. Soyons constructifs dans notre quête et non autodestructeurs.
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