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Le blog de Théophile Kouamouo
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9 novembre 2007

Humanitaires, une force blanche ?, par Michel Galy

Un cadeau au "village" de Michel Galy, politologue et sociologue français qui a enseigné il y a quelques années maintenant à l'Université de Cocody.

Inverser le regard: et si la résistible opération de l’Arche de Zoé, navrante et caricaturale, n’était que l’extrême pointe d’une « action d'urgence », affranchie de toute morale, désireuse de ramener des corps souffrants, dans un vertige technologique d’avions, de 4X4 et d’Internet ? Y a t-il grande différence entre les pratiques interventionnistes d’un certain « French doctor » (muni de son sac de blé somalien !) et cette débauche ordinaire de moyens matériels fabuleux, utilisés avec délectation, dans des zones misérables, par des humanitaires toujours en extériorité - voire en situation de domination ?

Une longue fréquentation critique et dialoguée avec ces humanitaires à la fois idéalistes et inconscients amène à poser, à partir du cas tchadien qui n'est qu'un épiphénomène,  des questions qui dérangent, et à y apporter des débuts de réponses .Pour faire bref : les  « humanitaires » ont-ils ce que Bourdieu  aurait pu appeler un « habitus » néocolonial- et se distinguent-ils bien des militaires et des onusiens ? Que faire alors pour ne plus participer de ce « Métier de Seigneur » selon l’aristocratique terme qui suscitait bien des vocations pour les « Officiers des Affaires Indigènes » d’antan ? Inculturation et humilité, ouverture aux sociétés africaines et changement d’habitus semblent de « déchirantes révisions », indispensables.

Le point de vue des africains, notamment des intellectuels  « non capturés » par le système de l'Aide, en témoigne de manière constante : il n'est que de lire sur le Net la presse tchadienne et africaine pour s’en convaincre ; s’autoglorifiant de leur présence et de leur dévouement, les humanitaires semblent ignorer qu’ils sont assimilés au « système mondial » et unanimement critiqués à ce titre par la jeunesse africaine politisée. Non sans réminiscences historiques troublantes, mêlées à des ressentiments contemporains: depuis la traite esclavagiste à la maltraitance de l’immigration, en passant par l'acculturation forcée et l'apostasie religieuse d'un islam sur la défensive.

Faut-il ignorer comment fonctionnent les sociétés locales, ou agir au hasard ? Religions autochtones ou sociologie villageoise, réflexion sur l’ethnicité, catégories sociales des partenaires…tout ceci fait d’ailleurs l’objet d’un   « savoir caché »aux occidentaux, mais connu du personnel national des ONG - et parfois géré à son profit ! Ainsi dans les années 9O une grande ONG américaine à Madagascar n’employait pratiquement que des Merinas - et parmi eux uniquement des représentants des deux castes dominantes, à l’exclusion des descendants d’esclaves, les andevo, exclus en toute logique malgache et de l’emploi et de l’aide aux plus pauvres… « Tout malgache égale un malgache pour nous » ! nous répondait-on, dans un ethnocentrisme béat… Dommage que les malgaches ne soient pas de cet avis et que les inégalités s’en renforcent!

Faut-il « changer l’Afrique », et au nom de quel mandat, au risque de faire échouer ses propres projets ? Faut-il par exemple comme nous avons vu systématiquement en Afrique de Ouest, s'appuyer sur une « jeunesse » locale idéalisée, quand ce sont les Anciens qui possèdent l'essentiel du pouvoir? Sur un mode plus trivial, mais important pour les bénéficiaires, faut-il prévoir des puits fermés et techniquement parfaits- bientôt « gâtés »faute d’entretien, les femmes retournant au marigot une fois les humanitaires partis sous d'autres cieux? Ou alimenter les dénutris à coup de « boulgour », cette affreuse nourriture occidentale si bien vitaminée, détestée des populations qui l'assimilent à un aliment bestial- alors que des recettes existent pour l'africaniser?

Au fond de la Sierra Leone,nous avons observé des ONG se mêler aussi bien de sexualité que de violences conjugales, de la possession de la terre comme des relations affectives entre maîtres et élèves, d'hygiène obligatoire ou d'alimentation ; ailleurs des associations liées à l'Eglise catholique tenter de contrôler le sort des « talibé »- ces petits mendiants liés à leurs « maîtres musulmans » ; d'autres, entretenir  des « enfants des rues » au statut équivoque ; ou servir, comme à Bouaké pendant plusieurs années pour une ONG médicale, de « Ministère de la Santé » à un mouvement rebelle qui a mis à feu et à sang le nord ivoirien, brûlé les Centres de santé, tué ou chassé infirmiers et médecins sudistes!

Critiques exagérées, tendancieuses ou excessives? Voire...Ces multiples observations de terrain, accompagnées d'avertissements répétés, montrent au contraire qu'en s'extériorisant par rapport aux sociétés locales, en montant des actions sans légitimité, en se rapprochant dangereusement du « code génétique » des communautés locales, le mouvement humanitaire se prépare des lendemains qui déchantent. .. 

Si certains, à la suite de Rony Brauman, ont commencé de longue date à faire des analyses politiques sur les pays d'intervention, peu se posent les questions de leur propre habitus, des moyens et de la légitimité sociale de leurs actions.

L’attitude sectaire et le comportement de « cow boys » de certaines ONG médicales, anciennes et puissantes, est un sujet de dérision dans le milieu humanitaire lui même. Des dérives dangereuses existent, comme celle d'une ghettoïsation forcenée des jeunes humanitaires angoissés devant le milieu africain: on a pu voir des « concessions »  de certaines ONG interdits aux africains pour des raisons « sécuritaires », des « couples  mixtes » interdits par les règlements...

Loin du « politiquement correct » imposé et aux humanitaires et aux africains, c'est l'option inverse d'un métissage généralisé ou d'une inculturation des personnels et des projets qu'il faudra bien adopter- y compris pour des objectifs de sécurité et de développement!

Il n'y a pas de raison sérieuse que des chercheurs, des religieux, des membres d'associations plus modestes vivent et travaillent « à hauteur d'homme » ,avec des moyens volontairement limités- et que les humanitaires les plus arrogants rivalisent avec les énormes 4X4 des forces U.N. pour parader! Tout le monde n'est pas obligé d'être anthropologue, sociologue ou même politologue. Mais nul –s’il choisit ces métiers exigeants- n’est censé rester ignorant ou méprisant...

Contrairement à ce que croient les « humanitaires au pouvoir », style Kouchner -et surtout le courant « bushiste » d'interventionnisme forcené à la BHL, « reconstruire les sociétés et les Etats », imposer la démocratie ou moraliser le Sud n'est pas à long terme un idéal soutenable. Mais plutôt un pari de plus en plus dangereux, avec bientôt des blocages croissants pour tout intervenant  extérieur. Sauf changement radical de pratiques et des valeurs, que l'affaire tchadienne rend désormais indispensable.

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Commentaires
T
Salut Chef de Village,<br /> Tous mes Respects.<br /> J'ai une question "frar" pour toi.<br /> A quand ton "mensuel ou bi-mensuel" ( comme tu le voudras,tu vois on te donne un choix, tout de meme -rires-) JEUNES AFRICAINS sortira? Nous sommes ici au village, c'est bien.<br /> Nous voulons plus, Theo. Nous avons faim de PLUS. Je veux souscrire a ton mensuel que j'ai nomme moi-meme, JEUNES AFRICAINS ( pas Jeune Afrique, bien sur -rires-)<br /> L'attente se fait longue, ou bien, on est ou la?<br /> Eh, on reste toujours "Africains Gros Nez Boutonnes" on veut toujours plus!<br /> Toutes mes amities.<br /> Therese
J
Bonjour Oscar,<br /> <br /> Allons plus loin...dans le décryptage.<br /> <br /> Tout d'abord, ces officines sont souvent des chevaux de troie, des services de renseignements, dont les objectifs, mis à part le compte-rendu de la situation des forces en présence, est de déterminer quels sont les maillons faibles, des hommes souvent de bonne volonté, à la base, sur lesquels, avec force pressions, financières et autres, il agiront pour maintenir la prédominance de leurs intérêts, pour ensuite mieux les détruire, en agitant le spectre de la corruption...dont ils sont à l'origine.<br /> <br /> Ensuite, nous tous savons que la véritable Dignité Humaine, est d'abord de pourvoir à ses propres nécessités : Placer des populations dans des rapports de dépendances, ne fait que les affaiblir, moralement, intellectuellement et collectivement. Un vieux dicton nous dit qu'il est préférable d'apprendre à pêcher, plutôt que de donner du poisson, à celui qui en manque : Or, la démarche d'aide à l'égard de l'Afrique, ne valorise pas les potentialités des personnes, au contraire, elle est, à mon humble avis, d'ordre plutôt démotivante, en sapant les ressources de chacun, pour mieux se servir de celles qui appartiennent à tous.<br /> <br /> Triste constat...<br /> <br /> Bien à vous,<br /> Salaam
O
Les humanitaires n'ont toujours existé que de nom, les occidentaux n'agissant que par calcul.Pour coller à l'actualité, le drame du Darfour,en ce moment, exagérement médiatisé n'est, en réalité, que la volonté des impérialistes occidentaux de contrer le monopole chinois sur le pétrole soudanais. Les rebelles soudanais eux profitent à fond de la proximité du territoire tchadien pour leur approvisionnement en armes. Au total, dans des zones de conflit, les organismes humanitaires font plutôt du militaro-humanitaire et cela est su de tout le monde.En Côte d'ivoire, l'ONUCI n'échappe pas à cette duplicité.<br /> L'affaire"arche de Zoé" confirme s'il en est encore besoin la collusion existant entre ces pseudo humanitaires et certaines puissances étrangères. Mais le pouvoir tchadien,qui ne doit sa survie qu'à l'armée française,ne peut qu'émettre des protestations de principe.<br /> Retenons pour terminer que les blancs n'agissent que par intérêt,du moins,pour la majorité d'entre eux.
J
Nous sommes tous coupables ! <br /> <br /> Coupables d'indifférences. De silences. De mépris et de violences. Complices d'infamies, de vilénies, et tous réunis dans la même vulgaire association de malfaiteurs prédateurs : Nous tous sommes des comparses associés aux actes des tueurs de vies et des assassins de survies, de tout un continent meurtri !<br /> <br /> Non ! Ne renions plus notre Grand Crime contre l'Humanité ! Nous tous profitons sans scrupules des actes de pirateries de ces toutes-puissances matérialistes, dont nous sommes devenus des valets, puisqu'elles nous assurent nos quotidiens, appuient nos suffisances et endorment nos culpabilités, d'êtres soi-disants raisonnables, mais sans aucune sagesse !<br /> <br /> Persister de refuser ces terribles réalités rendront fous de regrets nos générations futures : Osons regarder en face, l'étendue infinie de nos pourritures glacées, acceptons enfin de voir défiler sous nos yeux repentis, toutes les figures, de toutes les âmes de tous ces trépassés, que nous avons enfermés dans des tombeaux d'oublis, abandonnés au bord de nos repas d'ogres insatiables, et rejettés dans les profondeurs de notre indicible vanité, d'humains qui se targuent d'appartenir à des cultures développées, prétendument évoluées.<br /> <br /> Nous avons pillé et continuons de brigander l'Afrique. De dérober ses fruits. D'incendier ses racines. De ravager ses traditions. Nous avons asservi ses ancêtres, battu ses hommes, violé ses femmes, volé ses enfants, et voilà que nous poursuivons toujours nos basses-oeuvres en toute impunité, plus pitoyables encore que le dernier des derniers des individus misérables.<br /> <br /> A quelle sorte de dignité et de respect pouvons nous prétendre sans en rire s'il vous plait ?<br /> <br /> Partout où nous sommes passés, nous avons cassé, divisé, brisé, détruit et avili tout ce que nous touchions : Nous avons transformé la paix des plaines en des océans de haines, remplacé la sérénité des siécles en des passions vilaines, et gravement modifié le cours du temps en des brasiers ardents.<br /> <br /> Nous, occident bien-pensant. Nous, civilisations éduquées et instruites. Nous, villes de lumières et de progrés. Nous, vils esclaves de profits, bêtes égoïstes et stupides. Nous, arrogants et fiers de nos ignobles dominations économiques et militaires. Nous, indubitables et intangibles dégénérescences de l'espèce humaine, que la Terre peine à porter, à défaut déjà peut être d'avoir à subir la pénitence de nous supporter.<br /> <br /> <br /> Voyez encore notre incroyable et vaine prétention d'humanitaires désoeuvrés à Abéché au Tchad, hypocrisie cachée sous l'enjoleuse appellation de "children rescue", pourrie de compassion utilitaire, et d'ingérence déplacée. Rappelons nous encore sur notre île aussi la sainte volonté d'aider des filles et des fils, enlevés à l'amour de leurs familles démunies, et exilés loin de leurs coeurs. Ecoutons enfin transpercer dans le noir de nos nuits, les cris perdus de tous ces immigrés éperdus d'espoirs, qui frappent aux portes de nos conforts sans remords, et qui traversent des frontières de peurs, de douleurs, et de malheurs, sans fin autre que celle de désirer profiter juste un peu, de tout ce que nous avons, hier, aujourd'hui, et demain sans frein, retiré de leurs bouches, soutiré de leurs assiettes, et surtout prélevé sur leurs faims.<br /> <br /> Lampedusa, Ceuta et Melilla ou Mayotte résonnent comme autant de Gorée contemporaines : Des escales qui sonnent le glas et l'effroi de milliers d'âmes blessées, rabaissées, humiliées et bafouées : Ô combien immense est ma Honte, mais combien plus intense est ma Colère ! Mais de quelle conscience sommes nous dotée pour laisser se perpétrer de telles horreurs ? <br /> <br /> Sommes nous véritablement si méprisables pour être aussi abominables ?<br /> <br /> Salaam
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